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avaient un caractère trop extérieur pour ne pas inspirer quelque répulsion à un homme dont le développement était aussi profondément individuel que l’était celui de M. de Biran. Dans ces brillantes théories, dans ces élans d’imagination, dans ces appels éloquens et souvent sublimes à des mobiles puissans, mais étrangers à la sphère propre de la conscience, il ne rencontrait nulle part l’expression des besoins qui l’avaient conduit à invoquer le Dieu de grace et de paix. Les ligues suivantes semblent dictées par le sentiment de l’opposition absolue qui existait entre la voie qui était la sienne et celle dans laquelle se trouvaient engagés les écrivains que je viens de nommer. « Ce n’est pas par l’imagination et les passions, mais par la réflexion et le sens intime qu’on ramènera les hommes de notre siècle à la morale et à la véritable religion. » Il n’éprouvait pas non plus ce besoin d’autorité doctrinale qui formait, avec les considérations tirées de l’ordre social, la source principale à laquelle MM. de Bonald et de Lamennais puisaient leurs argumens. Le point d’appui qu’il réclamait pour son cœur et sa volonté était tout autre chose que cette règle fixe que désirent pour leurs pensées les intelligences travaillées par le doute. Son point de vue lui permettait de se concentrer dans la considération pure et simple des phénomènes dont l’ame est le théâtre.

C’est bien là, en vérité, le terrain nécessaire à des convictions religieuses véritablement solides ; mais la foi chrétienne, bien qu’elle s’appuie avant tout sur ces dispositions intérieures qui seules la rendent efficace, n’en est pas moins dans sa plénitude la rencontre de deux classes de faits d’ordre différent. L’oeuvre de Dieu, dans les ames, a pour condition et pour moyen une œuvre de Dieu extérieure à l’individu. Cette œuvre de Dieu extérieure à l’individu est l’objet de la foi, et la notion même de la foi s’évanouit lorsqu’on la dépouille d’un objet extérieur. C’est parce que Jésus-Christ est venu dans le monde qu’il y a des chrétiens. Or, la venue de Jésus-Christ au monde est un fait objectif, le résultat d’une volonté divine qui devient sans doute le principe d’où découle l’état de l’ame du croyant, mais qui ne saurait être confondu avec cet état. La foi religieuse se compose donc de deux élémens bien distincts, bien qu’intimement unis : un sentiment, personnel de sa nature, et une croyance, qui transporte l’ame hors d’elle-même, la plaçant en face d’une intervention de Dieu et de toutes les conséquences qui en résultent. Le sentiment, sans doute, incline l’ame à la croyance, de même que la croyance, à son tour, est l’origine de sentimens nouveaux, de telle sorte que les vérités religieuses ne sont pas susceptibles d’une démonstration purement extérieure, d’une démonstration exclusivement historique ou rationnelle ; mais, d’un autre côté, la démonstration existe dans une certaine mesure et concourt à mettre le croyant en présence de l’objet de la foi. La vérité du christianisme