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égoïste et une soif de pouvoir sans dignité. Le cœur de la mère lui avait toujours manqué ; ses enfans avaient grandi entre les mains des eunuques, sans tendresse, sans soins, livrés à tous les hasards d’une corruption précoce. Cette éducation fit de Valentinien III un prince imbécile et vicieux, et la voix publique accusa peut-être trop sévèrement Placidie d’avoir prolongé à dessein l’enfance de son fils pour prolonger sa régence. La jeune Grata Honoria, aînée de Valentinien, ne rencontra pas plus de sollicitude de la part de sa mère. La mode était venue à la cour d’Orient de ne point marier les princesses, du moins à des sujets, afin de leur conserver leur rang, et aussi par crainte de susciter, en admettant des étrangers dans la famille impériale, des ambitions incommodes ou dangereuses pour le prince. C’est ainsi que les sœurs de Théodose II s’étaient vouées de leur plein gré au célibat. Placidie, portée d’affection pour tout ce qui ressemblait à la monarchie, introduisit cet usage en Occident. Elle conféra, dès l’enfance, à sa fille le titre d’augusta avec les honneurs dus au rang impérial, et la fit élever dans l’idée qu’elle ne se marierait jamais ; mais la mère avait décidé sans sa fille, chez qui l’âge développa des instincts et des désirs tout contraires, et dont l’imagination s’abandonna sans règle ni frein à des rêves d’autant plus séduisans pour elle qu’ils lui étaient interdits. Dans le désoeuvrement du gynécée, Honoria ne se repaissait que de projets romanesques ; fille d’une mère qui avait rempli le monde du bruit de ses aventures, elle voulait avoir aussi les siennes, être aimée, être enlevée et séduire un roi barbare, non pas cette fois pour le transformer en Romain, comme Placidie avait fait d’Ataülf, mais pour l’exciter à la haine de Rome, pour le lancer à la destruction d’une famille qui l’opprimait. La difficulté consistait à trouver ce roi barbare, car les Goths ne campaient plus aux portes de Rome, et Gensérie était trop loin.

Honoria apprit sur ces entrefaites (c’était en 434 et elle avait alors seize ou dix-sept ans) l’avènement d’Attila au trône des Huns et les frayeurs qu’inspirait dès-lors aux Romains ce génie ambitieux et sanguinaire : ce fut l’époux qu’elle se choisit. Un de ses eunuques alla trouver secrètement le roi hun dans son palais de planches, dressé au milieu des marais de la Theiss, et lui remit, de la part de la princesse sœur de l’empereur d’Occident, un anneau de fiançailles avec un message. Par ce message, Honoria lui recommandait de déclarer sans retard la guerre à Valentinien, d’entrer en Italie à la tête d’une armée, et de venir la réclamer comme sa femme et la délivrer. Attila, fort étonné suivant toute apparence, prit l’anneau, le serra soigneusement et ne répondit rien. Honoria l’attendit quelque temps ; puis, ne voyant arriver ni lettre, ni ambassadeur, ni armée, elle s’en consola avec son intendant, nommé Eugénius. Des signes trop évidens