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une foule de renseignemens intéressans ; des notes de M. Armengaud, relatives à la place qu’occupent les tableaux dans les galeries publiques et dans les collections particulières, l’indication des prix auxquels ils se sont vendus à différentes époques, le fac simile des signatures et des marques originales, complètent chaque notice et ne laissent rien à désirer au curieux le plus exigeant. Quant aux estampes qui accompagnent le texte, il serait plus difficile encore de ne pas s’en contenter. Si l’on supprimait du nombre de ces planches quelques portraits d’un faire sec et dur, quelques figures peu satisfaisantes, celles de Phrosine et Mélidor entre autres, où l’on ne retrouve pas la manière suave de Prudhon, il resterait une suite de vignettes charmantes, un spécimen accompli des progrès que la gravure sur bois a faits en France depuis plusieurs années. Les paysages surtout ont une souplesse et une limpidité de ton qui jusqu’ici ne paraissaient pas compatibles avec l’emploi de ce moyen, et certains ciels d’après Claude Lorrain ou Paul Potter déferaient presque la comparaison avec les travaux du même genre exécutés sur cuivre. — La publication de l’Histoire des Peintres a donc été pour la gravure en relief l’occasion de perfectionnemens qui honorent l’art de notre pays : malheureusement elle a donné lieu au-delà du Rhin à des progrès d’une autre sorte, à un développement imprévu de la contrefaçon. C’était peu de reproduire le texte : à Leipzig, on a reproduit les planches mêmes ; mais au prix de quelles mutilations ! À l’aide de je ne sais quel procédé, on a obtenu une espèce de décalcage des épreuves, et ce résultat informe, où les masses d’ombre et de lumière sont tout au plus indiquées, où la silhouette des objets est à peine sensible à l’œil, passe pour l’imitation exacte des originaux. Si le public allemand est d’humeur à accepter comme œuvres de la gravure de pareils barbouillages, libre à lui ; mais qu’il sache bien que ces prétendus échantillons du talent de nos graveurs ne sont que le fruit d’une industrie menteuse. L’art français n’est pour rien dans une entreprise où il n’y a de réel que la déloyauté du fait et l’inhabileté des faussaires.


H. DELABORDE.


— Les hommes de bien et de savoir qui consacrent tous les efforts d’une vie laborieuse à ranimer dans une sphère modeste, loin de la scène retentissante de Paris, le goût des lettres et des sciences, méritent bien un souvenir, lorsqu’ils disparaissent au milieu même de leurs labeurs si honorables et pourtant si souvent renfermés dans une étroite enceinte. Tel était M. Esprit Requien, fondateur du musée d’Avignon, naturaliste distingué, qui vient de mourir en Corse, où il complétait les collections scientifiques qu’il destinait au musée qu’il avait créé. La ville d’Avignon a vivement ressenti la perte qu’elle venait de faire. Non-seulement elle a envoyé en Corse une députation chargée de ramener les cendres du savant modeste qui lui avait consacré ses travaux, mais elle a voulu honorer sa mémoire par des funérailles solennelles où sont accourues toutes les notabilités du département de Vaucluse. Un poète provençal a, de son côté, pleuré en vers naïfs et touchans la mort du savant lettré qui n’avait pas non plus refusé ses encouragemens à la muse populaire. L’exemple que vient de donner Avignon, s’il était plus souvent mis en pratique dans nos départemens, pourrait avoir de bons résultats pour les sciences et les lettres en France ; voilà pourquoi nous aimons à le signaler.


V. de Mars.