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qu’à contre-cœur. Son ressort principal était la passion de la guerre, dont il avait le génie, et c’est là ce qui, après bien des délibérations et des hésitations, finissait presque toujours par l’emporter. Le parlement, oubliant son rôle et ses devoirs, s’agitait sous la main de jeunes seigneurs travestis en tribuns. On mettait en mouvement le peuple de Paris, on l’ameutait aisément contre la cour ; mais, dès qu’il était question de réformes sérieuses et de la convocation des états-généraux, le parlement prenait l’épouvante et reculait tout aussi bien que le parti opposé[1]. La seule utilité peut-être de la fronde, dans l’admirable économie de notre histoire, a été de rehausser le pouvoir royal, d’en faire sentir à tous l’absolue nécessité, et d’accroître l’œuvre de Louis XI, de Henri IV et de Richelieu. Sous la ligue, deux grandes opinions, deux grandes causes étaient aux prises. Aussi la ligue a fécondé les esprits, elle a trempé les caractères, elle a été une école de politique et de guerre, elle a préparé les fortes générations de la première moitié du XVIIe siècle. La fronde est dans nos annales un épisode sans grandeur ; elle n’a formé personne, ni un homme de guerre, ni un homme d’état ; la nation n’y a pris aucune part, parce qu’elle sentait bien qu’aucun grand intérêt n’y était engagé : c’est un passe-temps de gentilshommes, de beaux-esprits et de belles dames. C’est aux dames surtout qu’appartient la fronde : elles en sont à la fois les mobiles et les instrumens, les plus intéressantes actrices, et parmi elles le premier rôle est incontestablement à Mme de Longueville.

Ce brillant carrousel a eu trois momens. Il débute par ce qu’on appelle la guerre de Paris en 1649. Mme de Longueville est l’héroïne de ces premières scènes ; elle se transporte à l’Hôtel-de-Ville, elle en fait sa place d’armes contre la cour ; elle y loge, elle y accouche, et le fils qu’elle y met au monde est appelé Charles de Paris. Vient ensuite l’arrestation et la captivité des princes, la fuite de Mme de Longueville, et sa résistance dans Stenai, où elle s’enferme avec Turenne. Enfin la délivrance des princes est bientôt suivie d’une guerre assez considérable où paraissent au premier plan le combat de la rue Saint-Antoine et le siège que soutint dans Bordeaux Mme de Longueville. C’est sur ces deux dernières parties de la fronde que tombent les lettres nouvelles que nous avons recueillies et qu’il est bien temps de faire connaître.


II

Je le répète, et je supplie qu’on ne le perde pas de vue : ce n’est pas du tout le génie politique de Mme de Longueville que je défends et que je veux mettre en lumière ; la seule chose qui m’intéresse et que j’entreprends

  1. Voyez la-dessus un curieux passage de Mme de Motteville, t. IV, p. 359, etc.