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afliction m’est très sensible. Mais comme de longs compliments ne l’adouciroient pas, je pense qu’il vaut mieux que j’acourcice le mien, et que je vous proteste seulement que je suis,

« Monsieur,

« Votre très affectionnée à vous faire service,

« A. DE BOURBON. »


Parmi les plus honnêtes et les plus vaillans défenseurs des princes était Louis de Rochechouard, comte de Maure[1], qui d’abord avait suivi la cour et avait fini par s’engager dans la fronde par dévouement pour le prince de Condé et Mme de Longueville. C’était un homme un peu singulier, mais brave et capable. Il était alors à Bordeaux, très occupé et très utile. Mme de Longueville a soin d’écrire à sa femme[2], qui était restée à Paris, et qui, grace à sa naissance et à son mérite, était liée avec tout ce qu’il y avait de mieux. Elle l’invite à venir à Bordeaux, et elle lui envoie son portrait, comme on le voit par un petit billet de Mme la comtesse de Maure. Celle-ci est fort sensible à cette attention, et, ne pouvant aller à Bordeaux, s’offre de la servir à. Paris et de suppléer quelquefois Mme de Sablé.


A MADAME LA COMTESSE DE MAURE.


De Bordeaux ce 31 octobre.

« Il y a si longtemps qu’on n’a ouy parler de vous, qu’on devroit moins vous faire des douceurs que des reproches ; mais comme vous estes de ces personnes qui donnez à celles qui vous connoissent des sentiments tout différents de ceux que l’on conçoit pour les autres, on vous traitte aussy fort différemment, et au lieu de remarquer des plaintes de votre peu de souvenir dans cette lettre, vous n’y verrez que des marques de celuy qu’on a pour vous, et de l’envie que l’on a de vous voir en ce lieu. Le premier article vous paroîtra peut-être plus obligeant que le dernier, et en effet je confesse qu’il est au moins beaucoup plus désintéressé. Mais avec tout cela on est si mal en tous les lieux du monde de la manière qu’il est disposé présentement, qu’on ne vous convye que de changer d’ennuy en vous conjurant de venu icy, et on prétend mesme que ce sera quelque soulagement au vottre d’en apporter un aussi grand que celuy de votre veue à celui des amis

  1. Sur ce comte de Maure, frère du duc de Mortemart, voyez les mémoires du temps surtout Mme de Motteville, t. III, p. 226.
  2. Mme de Motteville (ibid.) la peint en amie déclarée : « La comtesse de Maure nièce du maréchal de Marillac, était une dame dont la beauté avait fait autrefois beaucoup de bruit. Elle avait une vertu éclatante et sans tache, de la générosité avec une éloquence extraordinaire, une ame élevée, des sentimens nobles, beaucoup de lumière, et de pénétration. » Mademoiselle en parle aussi plusieurs fois avec estime dans ses Mémoires. Le tome VIII contient un portrait de Mme la comtesse de Maure, par M. Sourdis, et adressé à Mlle de Vandy. Il faut lire à côté de ces éloges ce que dit Tallemant, t. II, p. 332, et t. IV, p. 77.