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pirates dirigèrent contre la forteresse. Ce siége, qui fut un des grands épisodes du IXe siècle, a trouvé un Homère barbare dans le moine Abbon, et, dans les vers à la fois naïfs et pédantesques du vieux poète, on suit encore aujourd’hui les péripéties de la lutte avec le même intérêt que les péripéties d’une bataille où se joueraient les destinées de la patrie.

L’énergique résistance opposée par l’évêque Gozlin aux Normands ne fut pas seulement un fait de guerre très remarquable, mais encore un grand événement politique, car si les Normands, maîtres de Paris, s’étaient établis au centre même de l’empire, c’en était fait peut-être de notre unité nationale ; ce point de vue n’a point échappé aux écrivains du moyen-âge qui nous ont transmis les détails du siège, et l’un d’eux dit en propres termes que l’évêque Gozlin sauva l’empire des Francs.

Ici se termine ce qu’on pourrait appeler l’époque héroïque de l’épiscopat parisien. Aux martyrs, aux apôtres, aux guerriers succédent les administrateurs et les théologiens. Ils se mêlent à toutes les questions soulevées au XIIe et au XIIIe siècle par les écoles mystiques et rationalistes, à tous les débats qu’enfante la discipline ecclésiastique, à toutes les querelles qui agitent les divers ordres religieux, à toutes les luttes qui naissent entre la tradition et l’esprit d’examen.

Le mouvement artistique provoqué par le mysticisme du XIIe siècle inspire à Maurice de Sully la création de Notre-Dame. Pierre Lombard marche sur les traces d’Abeilard, en essayant, comme l’auteur du Sic et Non, d’éclairer par des principes rationnels les mystères de la religion chrétienne, et de concilier ainsi la foi et la raison. Pierre de Nemours (1208-1210) se laissa entraîner sur une pente funeste ; il appela à Paris l’ordre de Saint-Dominique et fit rechercher les disciples d’Amaury de Chartres, qui prétendaient établir une sorte de consanguinité entre les chrétiens et le Christ, et qui, considérant la créature comme une émanation charnelle du Dieu fait homme, constituaient un véritable panthéisme par le dogme même de l’incarnation divine. Quelques-uns de ces malheureux, qui s’étaient, selon toute apparence, organisés en société secrète, furent découverts par l’évêque, qui en fit brûler neuf : heureusement pour l’honneur de l’épiscopat, la conduite de Pierre de Nemours n’a point trouvé d’imitateurs parmi les évêques de Paris, et, après lui, la discussion pacifique reprit son cours.

Guillaume d’Auvergne, qui gouverna le diocèse de Paris de 1228 à 1248, se signala, comme Pierre Lombard, dans la philosophie scholastique, et on peut justement le considérer comme l’un des hommes les plus remarquables de son temps. Ses œuvres théologiques, très nombreuses, ne sont point renfermées dans les questions de l’école. Guillaume y touche souvent aux problèmes qui intéressent le plus