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rendu l’agilité qui forme le caractère distinctif de cette race. Nous avons en France, en Angleterre, d’aussi habiles cavaliers ; en-deçà comme au-delà de la Manche, il s’en rencontre bien peu qui puissent lutter d’agilité avec les Arabes. Le lion aux prises avec le buffle est d’une grande beauté. Ne pouvant étreindre son ennemi, qui lui est supérieur en force, mais qui ne peut lutter avec lui de souplesse, il s’efforce d’entamer l’épaisse cuirasse de son adversaire, sauf à se dérober par un bond rapide dès que le buffle voudra engager la lutte. Au moment où les cavaliers arrivent, le buffle est déjà renversé, et son sang coule sous les dents et les griffes du lion. Tous ceux qui ont vu dans les marécages d’Ostie les buffles sauvages déployer librement toute la puissance, toute la richesse de leurs mouvemens, rendront pleine justice au talent de M. Barye. Ce que Paul Potter a fait pour la génisse et le taureau, M. Barye a su le faire pour le buffle. Dans l’étude attentive de cette robuste organisation, il a trouvé des élémens d’élégance qui étonneront plus d’un spectateur. Ce type, rarement abordé par la sculpture, est devenu dans ses mains quelque chose de nouveau, d’inattendu, tant il a mis d’habileté à nous montrer toute la beauté propre à son modèle. Quant à l’élan des chevaux, je n’en parle pas. L’auteur a trop souvent prouvé ce qu’il peut dans ce genre pour qu’il soit utile d’y insister. Je crois plus à propos de signaler la manière ingénieuse dont il a su traiter le costume des cavaliers. Les burnous jetés sur leurs épaules offrent à l’œil des lignes très heureuses, et n’ont pourtant rien de systématique dans leur ajustement. Emportés par une course rapide, les cavaliers n’ont d’autre souci que la délivrance du buffle qui se débat sous les griffes du lion, et laissent flotter au vent l’étoffe souple et légère. La disposition des plis est tellement simple, tellement d’accord avec le mouvement des cavaliers, qu’elle semble prise sur nature. Et pourtant il est certain qu’elle a dû être calculée, prévue, imaginée. L’art, si adroitement dissimulé dans cette partie accessoire de la composition, ne peut cependant être méconnu, et je sais bon gré à M. Barye d’avoir compris toute l’importance de cette partie secondaire. Les burnous de ses cavaliers, rendus avec tant de souplesse et d’élégance, donnent plus de vivacité à l’engagement. En voyant l’air s’engouffrer sous la laine, le spectateur comprend que les cavaliers n’ont pas perdu un seul instant, et qu’ils ont couru sur le lion aussi rapides que la flèche.

J’arrive au dernier groupe, qui lutte avec les précédens d’énergie et d’harmonie. Nous avons devant nous deux cavaliers tartares qui chassent l’élan. M. Barye s’est efforcé de rendre dans toute sa vérité, je pourrais dire dans toute sa singularité, l’armure des cavaliers tartares. Bouclier, carquois, rien n’est oublié. Les détails les plus minutieux, qui semblent ne mériter aucune attention, sont étudiés avec soin, et