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national existait déjà en Suède pour le pavillon anglais, en ce qui concerne les transports d’un des pays à l’autre, et il convient d’ajouter que la marine anglaise ne brillait pas dans cette lutte avec un peuple aussi admirablement organisé pour le roulage maritime. De colonies, point. La Suède ne peut donc rien offrir sous ce rapport. Il reste uniquement la chance des transports indirects ; mais les Anglais savent qu’il n’y a pas grand fonds à faire là-dessus, la marine suédoise lisant elle-même, et largement, à toutes ses relations directes et indirectes. — Et de trois.

Ce que je viens de dire de la Suède s’applique mot pour mot au Danemark. L’Angleterre n’a pas plus à gagner ici que là.

Reste le Piémont. Le traité est tout récent. L’Angleterre en a fait grand bruit, moins à cause de ce qu’il vaut en lui-même que pour piquer d’honneur les autres pays. Ç’a été entre ses mains un tambour plutôt qu’une vraie conquête. Le Piémont, lui non plus, n’a point de colonies à ouvrir au pavillon britannique. Ses relations maritimes sont peu étendues. Il a d’ailleurs une marine très économique, et il ne sera pas aisé de partager avec elle. Dans tous les cas, la moitié de peu de chose n’est pas beaucoup.

En résumé, de tous les pays qui ont traité avec l’Angleterre, il n’ en a pas un qui lui ait donné une réciprocité véritablement complète. Il ne serait donc pas étonnant que, luttant dans de pareilles conditions, sa marine fléchît un peu : Pour qu’elle n’ait pas fléchi dès la première année, il a fallu sa force, sa puissance, son indomptable esprit d’entreprise.

Mais vous comprenez très bien que, précisément parce qu’elle n’a pas obtenu du dehors, ce qu’elle était en droit d’espérer, l’Angleterre agira, insistera, pour faire tomber l’opposition des puissances qui n’ont pas encore traité avec elle, notamment celle de la France. Il est aisé de voir que, dans tous les débats qui ont eu lieu au parlement, c’est pour la France qu’on parlait de tous les côtés. Le ministère anglais, quoiqu’il ait l’air de combattre les pétitionnaires, n’est pas fâché le moins du monde qu’ils soulèvent ces discussions. Ce qu’il leur reproche, ce n’est pas de réclamer toutes les mesures propres à faciliter pour eux la pratique du nouveau régime : c’est uniquement de chercher à discréditer le principe sur lequel repose ce régime. Comment voulez-vous, s’écriait lord Granville, comment voulez-vous que les pays qui hésitent à nous suivre n’aient pas des scrupules, quand ils vous entendent, vous si énergiques et si forts, imputer vos souffrances réelles ou imaginaires au principe que nous leur proposons d’adopter ? Vous vous plaignez de ce qu’ils ne nous suivent pas ; mais c’est vous, avec vos clameurs, qui les effrayez et les empêchez de nous suivre ! Taisez-vous, et laissez-nous négocier !