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à cet endroit les meilleurs et les plus charmans modèles ; elle fait, sur ces accords de tons posés par le pinceau toujours juste de la nature, les observations les plus ingénieuses, à la suite desquelles ses élèves, si elles ne deviennent pas toutes des artistes distinguées, auront du moins perfectionné l’art de s’habiller, ce qui n’est pas aussi commun qu’on le pense. Quand l’enseignement de la peinture ne servirait qu’à faire entrer en nos goûts et nos habitudes cet instinct de l’art qu’à certaines époques, au XVIe siècle par exemple, on voit se manifester jusque dans les plus humbles fonctions de la vie, et qui, depuis un siècle, est étouffé par le développement mécanique de l’industrie ce serait un immense service rendu qu’une méthode qui en abrége les élémens, mais la méthode de Mme Cavé ne se borne pas seulement à former le goût, à rendre populaires le dessin et la peinture, et, en donnant de la justesse au coup d’œil, de la sûreté à la main, à préparer des ouvriers habiles pour les métiers qui touchent aux arts : elle est propre aussi à créer de véritables peintres et en bien moins de temps que par l’ancienne tradition. Voilà de nombreuses raisons qui la recommandent puissamment. Au mérite spécial et sérieux du fond, les petits traités de Mme Cavé en joignent un autre que nous prisons fort : ils font lire avec un plaisir soutenu, tant la grace du style et l’imprévu des digressions y font oublier la forme didactique. À propos d’aquarelle, Mme Cavé met à sa plume la bride sur le cou ; celle-ci s’en donne à cœur joie, et, papillonnant à travers champs, touche un peu à tout, à la politique, au sentiment, thème inévitable ; elle cause de ceci, de cela, du tiers et du quart, de la république, du prince Louis-Napoléon, et même de la prorogation, je crois ; mais elle en cause d’une façon si vive, si charmante, qu’il faut toute la mauvaise humeur obligée de la critique pour trouver à reprendre, et que le lecteur, artiste ou non, soucieux ou non de peinture, ne peut s’empêcher de dire à l’auteur : Madame, écrivez-nous donc encore un de ces petits livres que vous écrivez si bien.


L. GEOFROY.



V. de Mars.