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basques, le collet rabattu, les revers épanouis sur la poitrine, signes distinctifs du costume militaire au temps du directoire, ne sauraient se comparer au manteau impérial. C’est pourquoi je trouverais très sage de demander à M. Barye ce que M. Marochetti n’a pas su faire. Quand la statuette du général Bonaparte sortit des mains d’Honoré Gonon, il n’était pas question du tombeau de l’empereur ; aujourd’hui que M. Marochetti nous a prouvé toute son impuissance, le bon sens conseille de s’adresser au statuaire qui a fait ses preuves ; la statuette du général Bonaparte deviendrait facilement une statue monumentale, et l’auteur en l’agrandissant n’aurait presque rien à y changer.

Un candélabre composé de neuf figures, et demandé à M. Barge par le duc de Montpensier, prendra sans doute place parmi les œuvres les plus exquises de notre temps. À la partie inférieure, Junon, Minerve et Vénus ; à la partie moyenne, trois Chimères ; au sommet, les trois Graces : voilà le triple motif que l’auteur a choisi pour un candélabre à douze branches formées de feuillage. Je ne crains pas d’affirmer que la renaissance n’a jamais rien conçu de plus ingénieux ni de plus pur. Les trois déesses assises à la base sont traitées avec une précision, une variété qui ne permet pas à la pensée d’hésiter un seul instant sur le nom du personnage : le visage de Junon respire l’orgueil, et chacun reconnaît la reine de l’Olympe ; Minerve exprime très bien la gravité virginale que nous admirons dans le colosse de Velletri. Quant à Vénus, son regard est animé d’une divine tendresse. Le corps des trois déesses est modelé de manière à concourir à l’effet de ces trois physionomies si parfaitement caractérisées. Nous trouvons, en effet, chez Vénus une richesse de formes qui appelle la maternité ; chez Minerve, une élégance plus sobre qui éloigne le désir ; chez Junon, une sévérité majestueuse qui éveille l’idée de commandement. Les trois Chimères, qui forment le centre de la composition, sont très heureusement inventées. Il serait difficile d’interpréter plus habilement les traditions de la mythologie. Les trois Graces, qui couronnent ce charmant édifice, rappellent par leur souplesse le groupe si connu de tous les voyageurs qui ont visité la cathédrale de Sienne. Et cependant, quoique les Graces de M. Barye reportent la pensée vers les Graces de Sienne, il n’y a pas trace d’imitation dans l’œuvre née sous nos yeux. Le même sujet, traité par Germain Pilon, est empreint d’un tout autre caractère. Le contemporain de Jean Goujon a jeté sur les trois sœurs une draperie qui laisse deviner toute leur beauté, mais qui cependant a le tort de ressembler plutôt à la soie qu’au lin ou à la laine. Les Graces du candélabre sont nues, et leur nudité, tout à la fois chaste et voluptueuse, chaste par l’attitude, voluptueuse par la jeunesse et le choix des lignes, soutiendrait sans danger la comparaison avec les figurines trouvées dans les champs de l’Attique. M. Barye est emporté par un instinct