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tout-puissant vers l’école flamande. Les femmes de Rubens l’attirent par un charme irrésistible ; cependant l’étude des modèles antiques lui a révélé tout ce qu’il y a dans ces types, d’ailleurs si riches et si variés, d’inacceptable pour la sculpture. Et cette conviction porte ses fruits. Il trouve en effet, dans les monumens mêmes que la Grèce nous a laissés, une figure qui lui montre la route à suivre, et concilie avec la pureté linéaire la force exubérante si assidûment poursuivie par l’école flamande. La Vénus de Médicis, placée dans la Tribune de Florence, n’a qu’une élégance de convention ; la Vénus de Milo, aussi souple, aussi vaillante que les naïades de Rubens, les surpasse par la pureté des lignes, par la division des plans. Et c’est à ce divin modèle que M. Barye s’est rallié. Aussi le candélabre demandé par le duc de Montpensier, conçu avec hardiesse, traité avec une simplicité digne des époques les plus savantes, a-t-il réuni de nombreux suffrages. Il charme les esprits naïfs, habitués à ne consulter que leurs impressions, et contente les esprits initiés par l’étude à toutes les délicatesses de l’art.

J’arrive au dernier ouvrage de M. Barye, au Combat du Lapithe et du Centaure, qui couronne d’une façon si éclatante toutes les pensées qu’il a exprimées depuis vingt ans. Il a pu, dans ce dernier ouvrage, déployer toutes les richesses de son savoir et démontrer aux plus incrédules qu’il ne connaît pas la forme humaine moins complètement que la forme du lion ou du taureau. Il avait à lutter, contre un terrible souvenir, contre les métopes qui décorent le Musée britannique. Il s’est dégagé de cet adversaire en choisissant une voie nouvelle. Son groupe n’a rien à démêler avec les fragmens rapportés à Londres par lord Elgin. Le centaure de M. Barye, par le mouvement, par la forme, se sépare nettement de la tradition grecque, sans la contredire. L’auteur s’est inspiré de la nature et s’est attaché à reproduire tous les détails qu’il avait observés. Il a compris sans peine qu’il ne pouvait, sans s’exposer au reproche de témérité, essayer de traduire en ronde bosse les hauts reliefs sculptés par la main de Phidias, et qui par leur perfection désespèrent les statuaires les plus habiles. Amoureux de l’idéal, il s’est mis à le chercher par des procédés que les Grecs ont presque toujours négligés. L’école attique, la plus savante de toutes les écoles, ne s’est guère occupée des mouvemens énergiques, ou du moins, lorsqu’elle a entrepris de les traduire, elle a tempéré la force par la majesté. C’est aux mouvemens énergiques exprimés avec une entière franchise que M. Barye a demandé l’intérêt, la nouveauté de son œuvre, et ce dessein conçu avec sagacité, accompli avec courage, mérite l’approbation des connaisseurs. Le sujet seul ramène la pensée vers l’acropole d’Athènes. Quant au style du groupe, il éloigne toute idée de comparaison. Le centaure de M. Barye, excellent dans la partie empruntée