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nulle part. Il faut se hâter d’aller chercher la rive méridionale du fleuve et la contourner, la sonde à la main, si l’on ne veut s’exposer à échouer inopinément sur les bancs de sable mouvant qui se sont formés plus au nord. Ces bancs se prolongent jusqu’à l’île de Tsung-ming, aujourd’hui cultivée par un million d’hommes, mais qui fut, elle aussi, il y a quelques siècles à peine, un banc de sable et de vase. À la hauteur de cette île, le Wam-pou vient mêler ses eaux rapides à celles du grand fleuve. C’est sur la rive gauche de ce cours d’eau tributaire que s’élèvent les villes de Wossung et de Shang-haï. Au-dessus de l’île de Tsung-ming, le rivage commence à s’élever. Pris de la ville de Chin-kiang-fou, la côte offre déjà des ondulations considérables ; le lit du Yang-tse-kiang se resserre et se creuse, la marée cesse de se faire sentir. On quitte le bras de mer pour entrer vraiment dans le fleuve. Chin-kiang-fou commande la branche méridionale du grand canal, dont les eaux baignent sur deux faces le pied de ses murs. La branche septentrionale de cette importante communication, celle qui aboutit à Tien-tsin s’ouvre sur la rive opposée du fleuve, près de la petite ville de kwa-tchou. À Chin-kiang-fou, le Yang-tsé-kiang a trente mètres de profondeur ; sous les murs de Nan-king, à deux cents milles de son embouchure, il peut encore porter des vaisseaux de ligne.

Déterminées par l’importance du but et par l’immense étendue de l’empire chinois, les proportions de l’expédition anglaise étaient considérables. La flotte comptait deux vaisseaux de 74, huit frégates, un grand nombre de corvettes et de bricks, quarante transports et douze navires à vapeur. L’armée, en y comprenant les soldats de marine, présentait en ligne plus de quinze mille hommes. Malgré la reconnaissance exécutée par le capitaine Béthune, on ne s’avança qu’avec les plus grandes précautions dans le Yang-tse-kiang. Les navires à vapeur éclairèrent la route de l’escadre, les bâtimens légers détachés le long des bancs du nord indiquèrent le passage le plus profond aux vaisseaux. Mouillée sous les îles qui terminent de ce côté l’archipel de Chou-san, la flotte ne se mit en mouvement que lorsque ces préparatifs furent achevés ; le 13 juin, elle jetait l’ancre devant Wossung, ayant mis quinze jours à parcourir quatre-vingts milles. L’entrée du Wam-pou avait été garnie d’une nombreuse artillerie, mais d’une artillerie chinoise. Ces batteries furent enlevées par les troupes après avoir été canonnées par l’escadre, et deux colonnes d’infanterie furent dirigées avec les pièces de campagne sur Shang-haï, l’une des colonnes embarquée à bord des navires à vapeur, l’autre marchant sur la rive gauche. Les habitans des villages que traversait cette division montraient plus de surprise que d’alarme. Ils regardaient avec étonnement ces barbares aux cheveux blonds, ces soldats au teint de bronze venus