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Le poète a donc raison de ré pondre à l’artiste affligé de sa gloire : « Non, tu n’as pas démérité ; non, tu n’as pas négligé Dieu en multipliant tes œuvres. Ton labeur n’est pas un labeur stérile. Le maître souverain accepte comme autant de prières toutes les pensées austères que tu as exprimées par la forme ou la couleur. » M. Sainte-Beuve a trouvé pour ces sentimens des paroles magnifiques, pleines à la fois de force et d’onction. Il a su traiter la réhabilitation religieuse de l’art sans jamais confondre la langue du philosophe et la langue du poète. La vérité s’offre toujours à nous sous les traits de la beauté. Toutes les pensées revêtues d’images tour à tour mystiques ou éclatantes se gravent sans effort dans notre mémoire. Le procédé suivi par M. Sainte-Beuve se recommande à la fois par la sagesse et la puissance. Il n’a pas abandonné aux hasards de l’improvisation une parcelle du sentiment qu’il voulait exprimer. Avant d’entamer l’entretien avec son illustre interlocuteur, il a mesuré ses forces et pesé mûrement toutes les paroles qu’il allait lui adresser. Aussi voyez comme la sainteté de l’art est franchement proclamée et vaillamment défendue. Les idées naissant des idées, les images naissant des images, portent la persuasion dans l’intelligence, sans jamais la troubler ou la lasser. Le poète peut-il souhaiter, peut-il espérer un triomphe plus complet ? Parler à Michel-Ange de son art, de son génie, du salut de son ame en restant digne d’un tel sujet, l’entreprise était hardie, périlleuse ; M. Sainte-Beuve l’a menée à bonne fin, et pour une telle œuvre, la louange n’est que justice.

La pièce inspirée pas un passage de la Vie nouvelle mérite les mêmes éloges que la réponse à Michel-Ange ; c’est la même simplicité, la même grandeur, la même clarté. Le songe et le réveil du poète florentin sont racontés dans une langue naïve, qui reproduit sans servilité toute la grace du texte original. Puis, le récit achevé, le poète français prend la parole à son tour et suit librement sa rêverie. Je ne veux pas essayer d’analyser cette pièce, qui défie toute analyse : c’est un mélange habile de pensées familières, de tristesse élégiaque et d’élans lyriques, dont notre littérature offre peu d’exemples. Aussi je n’hésite pas à la recommander comme un modèle d’élégance, et de spontanéité. Parfois il semble que le style prend une allure prosaïque ; mais il ne tarde pas à se relever, et deux ou trois images habilement choisies suffisent pour nous ramener en pleine poésie.

Ainsi les Consolations contentent la raison en même temps qu’elle charment l’imagination : ce n’est pas seulement une lecture attrayante, c’est une lecture salutaire : La pensée religieuse qui domine le recueil tout entier relie dans une harmonieuse unité les plaintes, les voeux, les espérances qui tour à tour s’échappent des lèvres du poète.

Malheureusement, si les Consolations, comparées aux Poésies de Joseph Delorme, marquent un progrès éclatant dans la vie intellectuelle