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pas leurs enfans. Ils préfèrent les écoles des frères ignorantins, où ils sont obligés pourtant de payer une petite rétribution, parce qu’ils ont plus de confiance dans l’éducation qu’on y donne. Leur choix n’est dicté d’ailleurs par aucune intention de narguer le conseil municipal. Un grand nombre d’ouvriers fréquentent l’église le dimanche. À une époque où, dans les momens de presse, les fabriques ne s’arrêtaient pas le septième jour de la semaine, quelques chefs d’établissement avaient proposé à leurs ateliers de travailler jusqu’à une ou deux heures, sauf à se reposer le restant de la journée ; les ouvriers aimèrent mieux, au contraire, demeurer plus tard à la manufacture et avoir dans la matinée le temps d’aller à la messe. Tout récemment, le cardinal-archevêque de Reims visitait Seden pour la première fois depuis son élévation ; on lui préparait une réception solennelle. Les ouvriers demandèrent eux-mêmes à quitter l’atelier pour se rendre au devant de lui, et ils se présentèrent sur son passage dans une respectueuse attitude, malgré les recommandations d’une feuille locale qui leur conseillait de se mettre au dessus de ces vaines fantasmagories. Toutefois il ne faudrait pas croire qu’en dehors du domaine spirituel, le clergé ait une grande influence à Sedan, et toute tentative même pour étendre son action soulèverait immédiatement une invincible répugnance parmi les ouvriers sedanais. Aussi n’y a-t-il point dans cette ville d’institutions religieuses destinées aux ouvriers ; elles seraient mal accueillies et ne tarderaient pas à dépérir.

Au milieu des émotions de 1848 la population laborieuse de cette fabrique ne se laissa pousser à aucun excès. Des démonstrations violentes s’étant produite contre la maison d’un ancien et très honorable manufacturier qui avait long-temps occupé une place dans les conseils du dernier roi, les ouvriers y établirent un poste jour et nuit pendant un mois, afin de prévenir le retour de ces scènes affligeantes, auxquelles pas un d’entre eux n’avait participé. Long-temps même ils résistèrent à des sollicitations venues du dehors pour les embrigader en vue de balancer l’influence des chefs d’établissement. C’est seulement beaucoup plus tard, quand l’exécution de la loi sur la durée du travail fut généralisée, qu’un dissentiment profond, qui touchait au taux du salaire éclata entre eux et les patrons. Les ouvriers choisirent des délégués et se mirent en chômage pendant quatre jours. Une caisse centrale, dont ils s’efforcent d’entourer d’un certain mystère l’existence et le régime, fut alors créée par eux. Le minimum des versemens est de 50 cent. par mois ; beaucoup d’ouvriers paient 50 cent. par semaine. Quelle est la destination réelle de cette institution ? Sous prétexte d’aider les travailleurs quand l’atelier chôme, elle nous paraît avoir pour principal objet de les soutenir, s’ils jugent à propos de faire grève pour résister à telle ou telle prétention des fabricans. Nous ne voudrions pas affirmer