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vinders. Van Recher surtout, par sa vie, sa pauvreté et sa foi, rappelle fidèlement ces poètes des corporations du moyen-âge qui chantaient aux palinods. Homme aimable et doux, van Rechem,un demi-siècle la modeste profession de peintre en bâtimens, allait chanter aux festins de noces des épithalames de sa composition, et, lorsqu’une famille perdait l’un de ses membres, il allait sur le bord de la fosse répéter des vers, pour dire au mort un éternel adieu et consoler les vivans des regrets de sa perte. Infirme et vieux, mais résigné, parce qu’il a toujours été honnête homme, van Rechem a obtenu de sa ville natale une place à l’hospice, et depuis long-temps, dans cet asile de ses derniers jours, il avait renoncé à la poésie, lorsqu’après février 1848, il vit de sa fenêtre planter un arbre de liberté sur une place d’Hazebrouck. Alors il improvisa une pièce de vers, la dernière qu’il ait composée, et qui commence ainsi : « L’arbre de la liberté est planté ; fasse le ciel qu’il puisse croître, et que, pour le bonheur de la patrie, on l’émonde à temps ! C’est un arbre qui pousse des rameaux étendus, mais qui donne parfois des rejetons sauvages, si l’on ne veille à l’en dépouiller. » Quelle leçon dans ces quelques lignes ! Et qu’il y a loin de ce simple bon sens à l’enthousiasme factice de la plupart des ouvriers poètes, et même des poètes qui ne sont pas ouvriers !

Le livre de M. de Baecker, qui contient, outre la partie philologique et littéraire, une partie archéologique étendue, présente un grand nombre de pages intéressantes, mais il manque d’ordre et de méthode. Des digressions dans le domaine de la littérature générale transportent le lecteur hors du sujet, qui n’est point d’ailleurs suffisamment circonscrit, et de plus, dans un ouvrage de cette nature, une bibliographie flamande eût été indispensable. Il nous semble du reste, et c’est là pour l’auteur des Flamands de France une question de loisir et de temps, car il possède toute l’érudition nécessaire, que la seconde partie de son travail contient en germe un excellent livre, l’histoire de la littérature flamande du nord de la France. Qu’il reprenne donc en sous-oeuvre cette utile et curieuse entreprise ; et les encouragemens, nous en sommes certain, ne lui feront pas défaut.

Chaque ville dans la Flandre et l’Artois a son école érudite, son groupe de travailleurs dévoués. Ainsi on doit à M. Duthilloeul, bibliothécaire de Douai, sous le titre de Douai et Lille une série de documens relatifs aux dissensions qui éclatèrent au XIIIe siècle entre ces deux cités ; à M. Wallet, de Saint-Omer, diverses descriptions des anciennes églises de cette ville et des magnifiques pavés en mosaïque et en poterie vernissée qui les décoraient ; à M. À Lefebvre, une biographie cambraisienne ; à MM. Meurice et Choulat, des notes sur les fêtes populaires du Nord ; à M. G. Pillot, une Histoire du parlement de Flandre, que l’auteur a fait imprimer à Douai après 1848, afin de donner du travail aux ouvriers typographes ; et qui joint au mérite d’une œuvre philanthropique une incontestable valeur sous le rapport de l’érudition ; à M. Bruyelle, agent-voyer principal, l’Indicateur des rues de Cambrai, des Notices sur les villes de Bapaume, de Crèvecœur, sur les communes de l’arrondissement de Cambrai, etc. ; à M. Raymond de Bertram, l’histoire de la ville romaine de Mardyck ; à M. Pilate, une Notice sur l’hôtel de ville et le beffroi de Douai. — MM. Victor Derodde, Cartier aîné et Dasendyck s’occupent, chacun de son côté, en ce moment de la monographie de Dunkerque, et. M. Arthur Dinaux poursuit avec zèle la publication