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encouragée. La politique des souverains de ce pays tend à exciter les instincts belliqueux de leurs sujets, et, s’ils tolèrent par nécessité les travaux de la paix, ils ne leur laissent pas prendre trop d’extension; ils ne permettent pas que leur peuple acquière des habitudes de vie douce et sédentaire, car le commerce des esclaves, source impure, mais abondante, des revenus de la couronne, se ferait avec beaucoup moins d’activité. Cependant, partout où l’œil du voyageur aperçoit des cultures dans ce pays, il est frappé de leur bonne apparence, et M. Forbes répète à plusieurs reprises que les cultivateurs du Dahomey rivalisent de talent et de soins avec ceux de la Chine. C’est une preuve que ces malheureuses populations, perverties par un culte grossier, par des institutions barbares, tristes fruits de l’avidité européenne, naissent avec des instincts prononcés de sociabilité.

La distance qui sépare Whydah de la ville d’Abomey peut être facilement franchie en quatre jours, malgré le mauvais état du chemin, qui traverse un marais inabordable en temps de pluie, et où l’on entre jusqu’aux genoux à l’époque de la sécheresse. Les Européens et les indigènes de distinction font le trajet dans un hamac couvert d’une tente et soutenu aux deux extrémités par des perches que tiennent les porteurs. M. Bruë loua douze de ces porteurs pour le voyage, et M. Forbes vingt-six. Le premier était précédé en outre d’une garde et d’une bande de musiciens, cortège d’honneur dont on l’avait gratifié sans égard pour la délicatesse de ses oreilles méridionales. L’officier anglais n’eut pas à déplorer cet excès de prévenance; mais, selon l’habitude de son pays, il emporta tant de bagages, qu’il dut emmener seize hommes et vingt femmes pour transporter à sa suite les colis sur leur tête, La route est coupée de plusieurs villages, pauvres demeures de quelques centaines d’habitans. L’aspect de ces villages est partout le même. Qu’on se figure des clôtures en bambous entourant un espace irrégulier. A l’intérieur sont placées çà et là, sans aucune symétrie, des huttes, espèces de ruches couvertes d’un toit de larges feuilles de palmier cousues. Les murs de ces cases sont faits avec de l’argile mêlée d’une pierre tendre concassée et de paille hachée. C’est sous l’un ou l’autre de ces abris que le maître du logis se réfugie durant la pluie et pendant les heures du sommeil. Il préfère généralement rester étendu sur le ventre, en plein soleil, au milieu de son enclos, où le fumier, les débris de toute espèce, les eaux boueuses et stagnantes envahissent le terrain. Parmi les villages situés le long du chemin qui conduit à Abomey, les uns se distinguent parce qu’ils sont le siège d’un marché hebdomadaire, les autres parce qu’ils possèdent une habitation royale. Alladah est de ce nombre. On y voit un palais où sont détenues pour le reste de leurs jours les femmes accusées d’adultère. Le souverain les y fait enfermer, et elles travaillent à son profit. C’est du reste le châtiment le plus doux