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Adonajah était un roi fainéant, qui préférait la paix à la guerre. L’armée, irritée d’avoir manqué l’occasion de saisir une si riche proie, se souleva. Adonajah, saisi dans son harem, y fut renfermé pour le reste de ses jours, et Guezo, son frère, fut porté au pouvoir à sa place. Le nouveau monarque se mit immédiatement à la tête de l’armée et marcha contre Jena, qui, grâce à la complicité de Dekkon, paraissait offrir une facile conquête; mais le peuple de Jena était prêt à repousser cette agression : il s’était choisi un chef brave et habile, Achardi, qui livra bataille aux troupes du Dahomey et en fit un grand carnage. Une seconde attaque n’eut pas plus de succès. C’était un fâcheux début pour l’usurpateur; aussi prit-il la résolution de s’emparer par stratagème du pays qu’il n’avait pu conquérir à force ouverte. Il demanda la paix, l’obtint, et les chefs des deux états se promirent une amitié éternelle. Pour la cimenter, Guezo pria son nouvel allié d’assister à la célébration des coutumes; il envoya des otages au chef de Jena en garantie de la loyauté de ses intentions. Achardi se rendit à cette invitation; il fut chargé de présens, comblé d’honneurs, et il revint escorté par l’armée du Dahomey tout entière. L’année suivante, Guezo donna une seconde représentation de la même comédie, et il joua son rôle avec tant de naturel que tout soupçon fut désormais banni de l’esprit de son adversaire. La troisième année, quand vint l’époque de sa visite au roi de Dahomey, le chef de Jena ne songea même pas à demander des otages; il comptait tellement sur l’amitié de Guezo, qu’il vint à Abomey suivi d’une caravane pacifique de mille marchands. On l’accueillit avec les démonstrations habituelles; mais, au milieu d’une fête, il fut saisi, livré aux exécuteurs et décapité. Tous ceux qui l’avaient suivi, réduits en esclavage, furent vendus aux négriers. L’année d’après, le royaume de Jena, privé de son général, tomba au pouvoir de Guezo, qui ravagea le territoire, décima et dispersa la population.

Tel est le fait capital de l’histoire de ce souverain pendant les premières années de son règne. Ne croirait-on pas lire une chronique du temps de nos rois de la première race? Moitié par violence, moitié par ruse, le roi de Dahomey a considérablement reculé les limites de son territoire. Aujourd’hui, son pouvoir s’étend entre les affluens du Niger à l’est, le Volta à l’ouest, et au nord les montagnes de Kong. Il a fondé la plus puissante monarchie de l’Afrique occidentale; mais il est à la veille de se heurter contre la nation belliqueuse des Aschantis, et il est impossible de prévoir quel sera le résultat de ce choc. Les deux peuples sont également ambitieux et conquérans, et les eaux du Volta sont la seule barrière qui les sépare. Ainsi que nous l’avons dit, l’armée de Guezo ne laisse derrière elle que le désert et les ruines. Aussi l’acquisition de nouveaux territoires n’est pas ce qui tente son avidité. Ce sont les prisonniers qu’elle convoite pour les vendre, et le massacre des