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prédication, il allait les embrasser, les plaçait près de lui dans la chaire, et, après quelques mots d’excuse sur leur innocence, il reprenait son discours. Après la conversion des Benou-Témîm à l’islamisme, un de leurs principaux chefs, Cays, fils d’Acim, étant à Médine, entra une fois chez Mahomet, et le trouva tenant sur ses genoux une petite fille qu’il couvrait de baisers. « Qu’est-ce que cette brebis que tu flaires ? demanda-t-il. — C’est mon enfant, répondit Mahomet. — Par Dieu ! reprit Cays, j’ai eu beaucoup de petites-filles comme celles-ci ; je les ai toutes enterrées vivantes, sans en flairer aucune. — Malheureux ! s’écria Mahomet, il faut que Dieu ait privé ton cœur de tout sentiment d’humanité. Tu ne connais pas la plus douce jouissance qu’il soit donné à l’homme d’éprouver. »

Ses biographes ne prennent pas plus de soin qu’il n’en prenait lui-même pour cacher sa passion dominante : « Deux choses au monde, disait-il, ont eu de l’attrait pour moi, ce sont les femmes et les parfums ; mais je ne trouve de félicité pure que dans la prière. » Ce point fut le seul sur lequel il dérogea à ses propres lois et réclama son privilége de prophète. Contrairement à toutes ses prescriptions, il eut quinze femmes, d’autres disent vingt-cinq. Les épisodes les plus délicats ne pouvaient manquer de surgir dans un tel ménage. Ajoutez que la jalousie la plus subtile paraît avoir été un des traits de son caractère. Un verset du Coran défend expressément à ses femmes de se remarier après sa mort. Dans sa dernière maladie, il disait à Aïscha : « Ne serais-tu pas satisfaite de mourir avant moi, et de savoir que ce serait moi qui t’envelopperais dans le linceul, qui prierais sur toi, qui te déposerais dans la tombe ? — J’aimerais assez cela, répondit Aïscha, si je n’avais l’idée qu’au retour de mon enterrement tu viendrais ici te consoler de ma perte avec quelque autre de tes femmes. » Cette saillie fit sourire le prophète.

L’épisode de son mariage avec Maria la Copte est un des plus singuliers. Une Copte, une esclave, une chrétienne, se vit préférée durant plusieurs nuits aux nobles filles d’Abou-Bekr et d’Omar, du plus pur sang koreischite. Ce choix provoqua une vraie sédition dans le harem, à propos de laquelle Dieu révéla ce qui suit : « Ô apôtre de Dieu, pourquoi, dans la vue de complaire à tes femmes, t’abstiendrais-tu de ce que Dieu te permet ? Le Seigneur est bon et miséricordieux ; il annule des sermons inconsidérés. Il est votre maître ; il a la science et la sagesse. » Ainsi autorisé à punir les rebelles, le prophète les répudia pour un mois, qu’il donna tout entier à Maria. Ce ne fut que sur les vives instances d’Abou-Bekr et d’Omar qu’il consentit à reprendre leurs filles, après les avoir admonestées par cet autre verset : « Si vous

    torique ; je n’insiste ici que sur le caractère que les Arabes ont attribué à leur prophète, et sur la couleur générale de sa légende.