Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/1083

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous opposez au prophète, sachez que Dieu se déclare pour lui. Il ne tiendrait qu’à lui de vous répudier toutes, et le Seigneur lui donnerait des épouses meilleures que vous, de bonnes musulmanes, pieuses, soumises, dévouées. »

Le scandale fut bien plus grave lors du mariage de Mahomet avec Zeynab. Elle était déjà mariée à Zeyd, fils adoptif du prophète. Un jour que celui-ci allait visiter Zeyd, il trouva Zeynab seule et couverte de vêtemens légers qui dérobaient à peine la beauté de ses formes. Son émotion se trahit par ces mots : « Louange à Dieu qui dispose des cœurs ! » Puis il s’éloigna ; mais le sens de cette exclamation n’échappa point à Zeynab, qui la rapporta à Zeyd. Celui-ci courut immédiatement annoncer à Mahomet qu’il était prêt à répudier sa femme. Le prophète combattit d’abord ce dessein ; mais Zeyd insista. Zeynab, disait-il, fière de sa noblesse, avait envers lui un ton de hauteur qui détruisait le bonheur de leur union. Malgré l’usage qui interdisait aux Arabes d’épouser les femmes de leurs fils adoptifs, quelques mois après, Zeynab prenait rang parmi les femmes du prophète. Quelques versets du Coran firent cesser les murmures des musulmans austères, et le complaisant Zeyd vit son nom inscrit dans le livre saint.

En somme, Mahomet nous apparaît comme un homme doux, sensible, fidèle, exempt de rancune et de haine. Ses affections étaient sincères ; son caractère, en général, porté à la bienveillance. Lorsqu’on lui serrait la main en l’abordant, il répondait cordialement à cette étreinte, et jamais il ne retirait la main le premier. Il saluait les petits enfans et montrait une grande tendresse de cœur pour les femmes et les faibles. « Le paradis, disait-il, est au pied des mères. » Ni les pensées d’ambition, ni l’exaltation religieuse n’avaient desséché en lui le germe des sentimens individuels. Rien de moins ressemblant à cet ambitieux machiavélique et sans cœur, expliquant en inflexibles alexandrins ses projets à Zopyre :


Je dois régir en dieu l’univers prévenu ;
Mon empire est détruit, si l’homme est reconnu.


L’homme, au contraire, est chez lui toujours à découvert. Il avait conservé toute la sobriété et la simplicité des mœurs arabes ; aucune idée de majesté. Son lit était un simple manteau et son oreiller une peau remplie de feuilles de dattier. On le voyait traire lui-même ses brebis, et il s’asseyait à terre pour raccommoder ses vêtemens et ses chaussures. Toute sa conduite dément le caractère entreprenant, audacieux, qu’on est convenu de lui attribuer. Il se montre habituellement faible, irrésolu, peu sûr de lui-même. M. Weil va jusqu’à le traiter de poltron ; il est certain qu’en général il avançait timidement et résistait presque toujours à l’entraînement de ses compagnons. Ses précautions dans les batailles étaient peu dignes d’un prophète. Il se couvrait de