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en trois actes, qui était destiné au théâtre de l’Opéra-Comique. Par suite de quelques difficultés survenues entre le directeur de l’Opéra-Comique et le compositeur, celui-ci est allé offrir son œuvre au troisième théâtre lyrique, qui venait de s’ouvrir, et qui a accepté avec reconnaissance le cadeau qu’on lui faisait. En effet, le nom déjà populaire de M. Félicien David était de bon augure pour un théâtre qui se proposait surtout de venir en aide aux jeunes musiciens français, dont la carrière est si difficile. L’événement a-t-il justifié toutes les espérances qu’avait conçues une partie du public sur l’avenir réservé au talent de M. Félicien David ? C’est ce qu’il convient d’examiner. Le sujet de l’opéra de M. Félicien David, la Perle du Brésil, pour être un sujet de fantaisie, n’en est pas moins fort ordinaire et puisé dans les données les plus communes et les plus usées. Zora est une jeune étrangère qui a été recueillie encore enfant sur un champ de bataille par l’amiral portugais Salvador, qui en a pris soin et l’a fait élever à Lisbonne dans la religion catholique. Devenue une grande et belle personne, pieuse et toute charmante, Zora est l’objet d’une admiration générale. Le roi, les plus grands seigneurs de la cour, et surtout l’amiral Salvador, sont tous sous le charme d’une personne aussi distinguée, lorsqu’on apprend que Zora vient d’être enlevée par l’ambassadeur de Suède, le comte de Horn, qui en était éperdument amoureux. Délivrée par un jeune cavalier, Lorenz, Zora revient tout heureuse dans les bras de son tuteur, l’amiral, qui éprouve pour sa pupille un sentiment plus vif que celui d’un père. Aussi l’amiral Salvador, au moment d’entreprendre un voyage pour le Nouveau-Monde, se décide-t-il à la faire embarquer avec lui. Tout le second acte se passe au milieu de l’Océan, sur le vaisseau amiral le Saint-Raphaël qui renferme dans ses vastes flancs bien des élémens de discorde. En effet, une lettre saisie apprend à l’amiral que Zora est éprise du jeune Lorenz. Cette découverte donne lieu à une scène des plus tumultueuses au milieu de laquelle l’amiral déclare, à la stupéfaction générale, que Zora va devenir sa femme. Le troisième acte nous introduit dans une forêt vierge du Brésil, dont un fort beau décor représente la riche végétation. Une lutte s’engage entre les Portugais et les sauvages du Nouveau-Monde, lorsque Zora intervient au milieu des combattans et fait connaître, par quelques refrains d’une chanson naïve qui sont restés gravés dans sa mémoire dès sa plus tendre enfance, qu’elle est la fille de l’ancien cacique de ces contrées. Tout s’explique alors, tout s’arrange, et le drame finit, si drame il y a, par le mariage de la Perle du Brésil avec le cavalier Lorenz. Telle est la donnée du libretto que M. David a bien voulu mettre en musique, donnée qui a été traitée cent fois par M. Scribe avec l’esprit et la dextérité qu’on ne saurait lui refuser.

M. Félicien David aura sans doute été séduit par les perspectives que ce poème offrait à son imagination ; il n’aura pas été fâché de repasser encore une fois le grand Océan et d’aller revoir les rivages qu’il avait déjà visités dans son Christophe Colomb. N’était-il pas à craindre qu’en parcourant les mêmes parages, le compositeur ne fût également attiré dans le même cercle d’idées, idées gracieuses, mais de courte haleine, dont il eût été nécessaire de varier un peu la monotonie ? L’ouverture de la Perle du Brésil est un morceau sans caractère, trop long et mal ordonné dans les différentes parties qui le composent. On s’attendait à mieux de la part d’un musicien qui connaît les res*