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révolution de l’avenir, et il voulait contenir et réprimer la révolution du moment. C’est ainsi qu’il fondait, pour ainsi dire, le parti libéral, ce grand et durable parti qui, dès ce moment et sous son premier chef a déjà ses deux ennemis acharnés et persévérans les contre-révolutionnaires, qui veulent la monarchie jusqu’au despotisme, et les révolutionnaires, qui veulent la liberté jusqu’à l’anarchie.

M. de La Marck, tout favorable qu’il est à la révolution de 89, avait cependant parfois des doutes et les scrupules, et cela étant bien naturel, quand on voyait la fermentation universelle des esprits et l’anarchie qui se répandait d’un bout de la France à l’autre. Mirabeau alors, cherchant à détourner les yeux du comte de La Marck des maux présens vers les biens à venir, lui. Ecrirait : « Les classes industrieuses travaillent peu, dites-vous ? Ceci est un mal, mais que l’élan vigoureux que donnera la première impulsion de la liberté assise et calmée réparera avec usure. – Elles vont être surchargées ? — Elles seront au contraire fort soulagées, si l’on sait faire. Il faut se dire : Deux choses sont indispensablement nécessaires à la société, le paiement des troupes et celui des intérêts de la dette. Ces deux objets n’emportent pas, à beaucoup près, 400 millions. Or, c’est une démence que d’être inquiet sur les moyens de faire payer gaiement à ce royaume 400 millions ([1]. » La dette et l’armée, voilà les deux principaux soucis de Mirabeau, comme de tous les hommes d’état pratiques, car il sait qu’avec de bonnes finances et une armée qui défend l’ordre au-dedans et la paix au-dehors, le commerce fleurit et l’agriculture prospère. « La révolution, continue-t-il, affranchira et divisera la terre, aidera au travail par le goût de la propriété délivrera le commerce et l’industrie nationale des liens qui la gênent encore (les maîtrises et les jurandes), et les intarissables ressources abandonnées au seul régime de la liberté, amèneront un ordre de choses dont nos yeux myopes n’aperçoivent pas même l’atmosphère, loin de le percer et de voir au travers. N’accusez donc pas la révolution mon cher comte, n’accusez que les hommes qui jouent pour le compte du gouvernement cette grande partie. »

Voilà la révolution de 89 défendue dans ses effets généraux. Voici maintenant cette révolution considérée dans ses rapports avec le gouvernement et avec l’administration. Nous allons voir pourquoi Mirabeau aime aussi de ce côté la révolution de 89 et comment il tâche de la faire aimer par le roi. « La position actuelle de l’autorité royale peut seule indiquer le choix des mesures propres à l’améliorer. Pour la bien connaître, il faut la comparer avec ce qu’elle était il y a deux ans[2].

  1. Tome Ier, p. 462.
  2. Huitième note, 3 juillet 1790, t. II, p. 74.