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à reparaître. Son front portait alors une couronne moins lourde, et ses souliers à boucles avaient fait place à des pantoufles de castor. L’étiquette exige que le résident ouvre le bal avec la sultane, et que le souverain malais offre à son tour sa main brune au gant de soie d’une dame européenne. La musique a donné le signal. Les jeunes princes de Ternate en uniforme d’officiers hollandais et la tête ceinte d’un turban de diverses couleurs, les princes rivaux de Tidor portant avec l’uniforme militaire le turban noir qui les distingue, les officiers de la garnison en grande tenue viennent se ranger sous le péristyle à la suite du sultan et du résident. Les dames s’arrêtent en face de leurs danseurs. La contredanse anglaise remplace à Ternate les quadrilles français. Le premier, le sultan parcourt avec sa danseuse cette longue galerie où la saya malaise se mêle aux volans de soie européens. Quelle légèreté, quelle souplesse dans le jarret a conservée ce vieux guerrier, blessé cependant à la jambe dans une des attaques que les Anglais dirigèrent, il y a quarante ans, contre Ternate! quelle délicatesse dans les jetés-battus dont il sait égayer la maussaderie des chassez-croisez officiels ! Les Malais, accourus de tous les points de l’île, se pressaient en foule devant la maison du résident pour assister au triomphe de leur maître et subir avec une joie naïve l’irrésistible empire de sa grâce et de sa majesté. Bientôt cependant à ce spectacle étrange succéda le coup d’œil d’un souper splendide. Une table de deux cents couverts était dressée sous un immense hangar tout éblouissant de bougies et de fleurs. Les danseurs quittèrent la salle de bal pour s’asseoir à ce riche banquet. Vers la fin du souper, ce fut le sultan de Ternate qui se chargea de porter la santé du gouverneur-général de Java : à l’un des princes de Tidor fut réservé le soin de porter celle du gouverneur des Moluques. Le résident, après avoir remercié au nom de son souverain, au nom du gouverneur-général, les sultans de Tidor et de Ternate, rappela dans un long discours tous les titres de ces illustres alliés à la bienveillance de la Hollande. Enfin, vers deux heures, le vieux souverain, accompagné de la sultane et suivi des princesses, reprit le chemin du dalem, les torches s’éteignirent, et nous regagnâmes la Bayonnaise.

Avant de se retirer, le sultan de Ternate avait exprimé au résident le désir de nous recevoir dans son palais, et, deux jours après la fête du roi des Pays-Bas, les portes du dalem s’ouvraient devant nous. La civilisation demi-européenne, demi-barbare des Moluques semblait se prêter complaisamment à nos études. Dans la cour extérieure, nous trouvâmes sous les armes la milice indigène et la garde d’honneur, composée de soldats européens, qui, placée par le gouvernement hollandais auprès du sultan, entoure constamment ce royal captif et surveille ses moindres démarches. L’architecture du datem offre un aspect monumental qu’est loin de présenter la modeste demeure du