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commerce de Céram et de la Nouvelle-Guinée, les partisans des franchises commerciales ont conseillé au gouvernement hollandais d’ouvrir les ports des Moluques aux pavillons des puissances étrangères. cette concession, peu importante en elle-même, aurait-elle pour effet de calmer, comme on l’assure, les impatientes obsessions de l’Angleterre? Nous n’oserions pas l’espérer. C’est l’approvisionnement du marché de Java et non celui de ces insignifiantes dépendances qu’ambitionnent les maîtres inquiets de l’Indoustan. Tant que la Hollande reculera devant ce suprême sacrifice, elle ne doit point se flatter de désarmer cette envieuse surveillance qui se plaît à jeter la déconsidération sur tous les actes de son gouvernement, et offre un appui empressé aux moindres résistances que son administration soulève. Dans la question des Moluques, la Hollande ne doit donc se laisser guider que par son propre intérêt et par celui de ses possessions coloniales. Quant aux déclamations des journaux de l’Inde et de Singapore, à l’irrégulière intervention de la diplomatie britannique, aux accusations si souvent dirigées contre la dureté des autorités hollandaises, le gouvernement des Pays-Bas n’y doit répondre que par une sollicitude plus active pour le bien-être de ses nombreux sujets, que par de sages mesures qui puissent consolider sa puissance morale et placer la sécurité de ses établissemens au-dessus des attaques passionnées de la presse anglaise. Les habitans de la Malaisie, comme ceux du Bengale, subissent sans murmure le joug étranger. La domination européenne, qui a effacé dans ces lointaines contrées les derniers vestiges de l’indépendance nationale, a sauvé les peuples de l’archipel indien des anarchiques dissensions qui les eussent ramenés à la barbarie. Imprévoyans et sensuels, les Malais n’ont ni l’élévation de pensée ni l’ardeur de bien-être qui distinguent les Européens : il existe chez eux un principe de quiétude et d’inertie qui explique leur attachement aux anciens usages et leur apathique soumission aux conditions dans lesquelles ils naissent. Ils n’auraient point songé à améliorer leur sort : la conquête étrangère s’est chargée de ce soin. Elle n’a pas sans doute apporté à ces peuples enfans les institutions libérales, qui n’eussent été pour eux qu’un funeste bienfait, incompatible avec le degré de civilisation auquel ils étaient parvenus; mais elle a substitué aux puérils et sanglans caprices de la tyrannie indigène une direction plus ferme et plus régulière. Jusque dans leurs exigences les plus rigoureuses, dans leur plus âpre exploitation du sol et des habitans, les Hollandais conservèrent du moins sur les princes qu’ils dépossédaient l’inappréciable avantage de la précision dans les vues et de la méthode dans les désirs. Par l’ascendant de leur médiation, ils protégèrent ces populations misérables contre l’avidité turbulente de leurs chefs; ils les protégèrent contre elles-mêmes par une police énergique et par l’influence moralisante