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appartenaient, surtout par les mœurs, on pourrait dire que la première se rattachait à Saint-Cyran, et la seconde à Pascal. M. Royer-Collard ne plaçait aucune femme au-dessus du rang que dans son souvenir il assignait à son aïeule.

Son père, M. Royer, qui, suivant l’habitude du pays, joignit à son nom celui de la famille de sa femme, habitait le village de Somepuis, près de Vitry-le-Français. Fils d’un ancien notaire, il n’avait pas pris de profession, et cultivait lui-même ses champs. Connaissant la haute vertu qui appartenait aux filles de la famille à laquelle il s’unissait, il avait dit à sa femme : « Vous gouvernerez l’intérieur de la maison, vous dirigerez l’éducation de nos enfans, et vous ordonnerez de leur destinée. Je ne vous en demande qu’un seul pour en faire un cultivateur comme moi. » Mme Royer-Collard mit au monde, comme sa mère, trois fils et une fille. L’un des fils mourut au berceau. Elle décida que l’aîné de ceux qui restaient, celui dont nous retraçons l’histoire, ferait des études complètes, et que l’autre, conformément au désir de son mari, sortirait des classes de bonne heure, afin de se consacrer aux travaux de la campagne. Ce dernier n’éprouva point de goût pour ce genre de vie, et le père se priva volontairement de la douceur d’associer un de ses fils à sa vie favorite. Ce fils devint le médecin habile que les hommes de notre âge ont connu, d’un esprit brillant, d’une parole animée et éloquente, et qui resta toujours étroitement uni de cœur et d’intelligence avec son frère.

La première enfance de M. Royer-Collard s’écoula dans la maison paternelle, sous la triste et rude discipline de l’école à laquelle appartenait sa mère. Il s’est plaint depuis qu’on lui eût alors présenté la règle dans toute sa froideur, sans ces encouragemens pour la faiblesse et cet appui du cœur dont l’enfance a un si grand besoin. Il fut placé de bonne heure au collège de Chaumont, tenu alors par les pères de l’Oratoire, et il y remporta toutes les couronnes. Au sortir de cette école, il fut envoyé auprès de celui de ses oncles qui dirigeait le collège de la doctrine à Saint-Omer. Ce dernier, après l’avoir interrogé, lui déclara qu’il était bien préparé pour apprendre, et lui fit tout recommencer à partir même des élémens. Le neveu employa trois années à refaire auprès de ce maître sévère toutes ses études, aussi bien celles des langues anciennes que celles des sciences mathématiques, pour lesquelles, comme Platon, Descartes, Leibnitz et Reid, il avait un amour particulier. Lorsque plus tard il fut appelé à l’Académie française en remplacement de M. de La Place, il se félicitait qu’en revenant sur d’anciennes études, il eût pu comprendre dans une certaine mesure la Mécanique céleste, et n’en pas parler tout-à-fait en profane.

En quittant Saint-Omer, il vint à Paris étudier les lois, et reçut le titre d’avocat, encore assez à temps pour porter la parole devant la