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politique il entrevoyait des tentatives de révolution sociale, et qu’au- dessus des dynasties et des gouvernemens, disait-il, règne la question permanente, la question souveraine de l’ordre et du désordre, du bien ou du mal, de la liberté ou de la servitude. Il prit la parole dans la discussion sur la constitution de la chambre des pairs en 1831, et plus tard, en 1835, pour résister aux mesures par lesquelles, disait-il, le jury constitutionnel avait été dégradé, et ses attributions légitimes transférées imprudemment à un pouvoir digne de tout notre respect, mais à qui elles sont et doivent demeurer étrangères. Il avait préparé un discours contre le projet de loi qui voulait punir la non-révélation d’un complot. Le projet de loi fut retiré devant la menace de ce discours. On le pressa de l’imprimer; il refusa de frapper des adversaires qui s’étaient eux-mêmes mis à terre. Depuis, ce discours lui fut dérobé. Il le regretta, parce qu’il y passait en revue sa vie politique et expliquait comment il avait été conduit, avant 1830, à combattre presque toujours un gouvernement qu’il aimait, et, depuis cette époque, à soutenir presque constamment un gouvernement qu’il n’aimait pas. Il ne put voir de sang-froid la coalition de 1838, où des serviteurs illustres de la monarchie nouvelle, mais qui n’étaient pas alors au pouvoir, prêtèrent leur secours aux ennemis de toute monarchie, où l’on se plut de part et d’autre à découvrir à l’envi la personne du roi, et où, parmi les accusations lancées contre le ministère, on lui fit un crime d’avoir respecté les traités et la foi jurée aux peuples de l’Europe. « L’agitation produite par la révolution de juillet, dit M. Royer-Collard aux électeurs de Vitry, le 3 mars 1839, a été chassée des rues, où elle a été réprimée, et s’est réfugiée, s’est retranchée au cœur de l’état. Là, comme dans un lieu de sûreté, elle trouble le gouvernement, elle l’avilit, elle le frappe d’impuissance et en quelque sorte d’impossibilité. Sous les voiles trompeurs dont elle se couvre, c’est l’esprit révolutionnaire : je le reconnais à l’hypocrisie de ses paroles, à la folie de son orgueil, à sa profonde immoralité. Au dehors, la foi donnée ne l’oblige pas; au dedans, pourquoi la charte jurée l’obligerait-elle davantage? Cependant les institutions, fatiguées, trahies par les mœurs, résistent mal: la société appauvrie n’a, pour sa défense, ni positions fortes, ni places réputées imprenables. Croirons-nous qu’il suffira des honneurs éphémères du ministère et d’une part subordonnée du pouvoir pour assouvir des passions insatiables? Non, elles seront attirées à travers le ravage et la conquête vers une plus riche proie. Nous entrons, messieurs, dans une ère nouvelle : de grands maux nous menacent; il faut le savoir pour les conjurer : voilà que notre foi est décriée devant l’Europe, qui pourra nous demander des otages comme à un peuple barbare, quand nous aurons à traiter avec elle. Voilà que le trône de juillet est attaqué, je voudrais ne pas dire ébranlé, ce trône que mes mains n’ont pas élevé,