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et l’un de ses plus braves chevaliers. Ce fut le premier lord de l’île, il bâtit le château de Carisbrook. C’est dans cette citadelle que se retira le roi Jean-sans-Terre après la signature de la grande charte. Henri VI créa Beauchamp, comte de Warwick, roi de l’île de Wight. Le comte de Portland en était gouverneur, lorsque la guerre civile du XVIIe siècle éclata ; il fut remplacé par lord Pembroke, auquel succéda presque aussitôt le colonel Hammond de l’armée du parlement : c’est à la garde de cet officier que Charles Ier fut confié, lors de sa détention au château de Carisbrook. On sait comment ce malheureux prince essaya vainement de s’évader, en passant par une fenêtre de sa prison qui, trop étroite, le retint, sans qu’il lui fût possible de se dégager. Sa seconde fille, la princesse Elisabeth, mourut prisonnière à Carisbrook le 8 septembre 1650, un an et demi après l’exécution de son père ; elle est enterrée dans la chapelle.

Pour faire le tour de l’île, on commence d’ordinaire par Cowes, où l’on aborde en venant de Southampton. Cowes n’a pas plus de 3,500 habitans : mais c’est une très jolie petite ville, fort proprette, fort gaie et presque entièrement neuve : elle est pourvue de boutiques élégantes et on ne peut mieux garnies. Elle se divise en deux parties que sépare la Medina, — East-Cowes sur la rive droite, West-Cowes sur la rive gauche ; c’est cette seconde partie qui constitue la ville proprement dite. La Medina prend sa source au centre de l’île, près de Newport. Cette rivière est navigable dans toute son étendue pour de gros navires à la marée haute. C’est un excellent lieu d’hivernage, que beaucoup de yachts ont adopté. West-Cowes, bâti en amphithéâtre, s’appuie sur une colline que recouvre entièrement le parc séculaire de Northwood ; cet horizon de verdure, vu de la mer, produit le plus charmant effet. Les maisons de la ville ont presque toutes des jardins, et les émanations des fleurs mises en mouvement par la brise du soir sont délicieuses à respirer.

Il est certain que les Anglais, à force de méthode et de persévérance, parviennent toujours à obtenir la quintessence de toute production qui peut se créer chez eux ; les fleurs ont incontestablement plus de parfum, la viande plus de saveur, les œufs sont plus gros, la moutarde est plus forte chez nos voisins que dans les autres pays. Malheureusement pour eux, les fruits magnifiques de leurs serres-chaudes n’ont aucun goût ; je crois qu’on ne voit arriver à complète maturité en Angleterre que les noisettes ou les fraises. Les Anglais n’en sont pas moins des gens qui font très bien ce qu’ils font. Dans toutes les branches des connaissances humaines ou dans tous les genres de perfectionnemens auxquels leur nature ou leur climat ne se montrera pas trop rebelle, on peut être assuré qu’ils arriveront aussi près du but que possible. Est-il, par exemple, un peuple au monde qui pousse plus loin le respect des lois, de l’autorité, des liens de famille, et