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Le président du Board of Trade, M. Labouchère, avait également soutenu cette thèse dans une discussion importante, soulevée le 24 juillet dernier, à la chambre des communes, par M. Herries, adversaire décidé des lois de navigation.

Assurément, les armateurs anglais se verront obligés de baisser le taux du fret et de réduire ainsi, pendant quelques années, une portion de leurs bénéfices; mais cette conséquence, que peuvent déplorer quelques intérêts particuliers, n’est-elle pas compensée, et au-delà, par les avantages qui demeureront acquis à l’intérêt général, à mesure que les frais de transport, pour toutes les denrées et marchandises, se trouveront diminués? — Les armateurs suspendront-ils leurs opérations parce que leur bénéfice sur chaque tonneau de fret sera moindre? Que l’on se rassure : ils chargeront une plus grande quantité de produits, ils emploieront un tonnage plus considérable, et ils obtiendront sur l’ensemble un profit au moins égal. Les constructeurs de navires déclaraient, dans les enquêtes de 1847 et 1848, qu’ils se retireraient des affaires, si on leur enlevait leur monopole. Qu’est-il arrivé cependant? La réforme votée, les constructions navales de 1850 ont dépassé celles des années précédentes : elles ont atteint 133,000 tonneaux contre 117,000 en 1849 et 122,000 en 1848.

En présence de ces faits, tout porte à croire que la législation de 1848 résistera aux critiques ultérieures des protectionistes. Ceux-ci semblent même disposés à ne plus la combattre aussi énergiquement dans son principe, mais ils demandent que le gouvernement, faisant usage de la faculté qui lui est accordée par les articles 10 et 11 de l’acte, retire le bénéfice du traitement national au pavillon des peuples étrangers qui conservent encore, à l’égard du pavillon britannique, des tarifs différentiels. La France est particulièrement intéressée dans ce débat. Les articles 10 et 11 forment, en quelque sorte, l’article 14 de la nouvelle charte maritime; ils laissent constamment suspendue sur le pavillon des états qui ne se sentent pas disposés à pratiquer pour leur propre compte le libre échange une menace de représailles qui a déjà été exploitée par la diplomatie de lord Palmerston. Dès le 22 décembre 1848, lord Palmerston adressa aux représentans de la Grande-Bretagne près les puissances maritimes une circulaire par laquelle, avant même que le bill fût définitivement voté, il invitait ses agens à pressentir chaque gouvernement sur le traitement que celui-ci comptait appliquer désormais aux navires anglais. « Vous vous assurerez le plus tôt possible, écrivait-il, si le gouvernement près lequel vous êtes accrédité doit accepter les ouvertures qui lui seront faites de la part de la Grande-Bretagne pour placer les navires des deux pays sur le pied d’une parfaite égalité, en n’exceptant que le cabotage, ou bien si ce gouvernement préfère réserver à sa marine certaines faveurs ou