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ce faire lourd, ces attitudes sans grace ? — Un élève de M. Gallait, M. Jaroslav Cermak, débute par une belle chose. Ce jeune homme est Hongrois ; son sujet, c’est une Famille esclavonne émigrant de la Hongrie. L’œuvre n’est pas sans défaut, le dessin n’en est pas irréprochable, et la main de l’artiste a des incertitudes qui se trahissent dans quelques détails accessoires, et particulièrement dans le paysage. Cette part faite à la critique, il faut louer sans restriction le sentiment qui anime les figures. C’est la douleur, le découragement, le regret de la patrie, la tristesse de l’exil, profondément sentis et exprimés de la manière la plus vraie et la plus touchante, et cela sans emphase, sans prétention, et sans ces ressources du métier qui font qu’un tableau plaît par toute sorte de petits mérites indépendans du sujet. M. FI. Willems a commencé par peindre des kermesses, des concours d’arbalétriers, comme la plupart des Anversois. La kermesse était le prétexte, l’effet de lumière était le sujet véritable. M. Willems paraissait être alors l’imitateur de M. Leys. On voyait bien pourtant, par ses hardiesses, qu’il ne le serait pas long-temps, et que le kaléidoscope aurait tort avec lui. En effet, M. FI. Willems n’a pas tardé à laisser là les lisières de l’école et à chercher le beau ailleurs que dans des effets qui sont bien plutôt du domaine du décorateur qu’ils ne sont le but de l’art. D’année en année, ce talent a grandi. Le tableau qu’a exposé M. FI. Willems cette année, une Vente publique de tableaux en 1650, où se trouvent unies les belles qualités de l’ancienne école flamande à celles de l’école française moderne, est de ceux qui classent parmi les premiers le pinceau qui les a produits. Il y a bien là encore un effet de lumière, et plus franc, plus net et mieux réussi qu’aucun autre venu d’Anvers  ; mais cet effet ne vaut que ce qu’il doit valoir, et rien de plus. Le sujet, c’est la vente de tableaux, et les personnages en sont si bien posés, si variés d’attitude ; il y a tant d’élégante simplicité, d’observation et de finesse dans la composition, qu’on ne songe pas même à admirer cet effet de soleil, dont un autre que M. FI. Willems aurait fait son succès.

Deux frères, MM. Alfred et Joseph Stevens, sont en voie de devenir des maîtres. Déjà, en Belgique, nul ne les dépasse. Alfred Stevens peint le genre : Joseph, les animaux. À mes yeux, leur talent est égal. Celui-ci est plein d’esprit, de verve ; ses animaux, sans cesser d’être des bêtes, sont des personnages qui m’intéressent et m’émeuvent, depuis ce griffon en arrêt devant une mouche jusqu’à ce cheval de saltimbanque, et sans oublier ces pauvres chiens qui tirent de si bon cœur, aides par leur maître, une lourde brouette de sable. Alfred Stevens a un style qui rappelle à la fois Eugène Delacroix et Robert Fleury ; son Soldat huguenot, debout devant un mur où Guise est pendu en effigie ; ses Regrets de la patrie, idée semblable à celle de la Mignon de Goethe traduite par Scheffer, mais représentée par un soldat assis, qui suit d’un