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de son gouvernement, par sa munificence et son amour des lettres et des arts, n’hérita ni de son caractère résolu ni de son aptitude militaire ; il ne sut que subir avec résignation des événemens funestes dont Frédéric n’eut pu triompher peut-être, mais que sans aucun doute il eût plus énergiquement combattus.

Guido-Paolo-Ubaldo, ou, par abréviation, Guidobaldo, seul enfant mâle issu du mariage de Frédéric avec Battista Sforza, avait douze ans lorsqu’il succéda à son père, en 1482. Incapable à cet âge d’exercer le pouvoir par lui-même, il se laissa guider par les anciens amis de Frédéric, et, grâce à leurs conseils, il réussit d’abord à maintenir les affaires du duché dans l’état florissant où il les avait trouvées ; mais cette prospérité ne devait pas être durable. Bien peu d’années après son avènement, le jeune duc était précipité du trône pour y faire place à César Borgia, et l’indigne pontife qui occupait alors la chaire de saint Pierre assouvissait son ambition furieuse sur la nouvelle proie que la trahison venait de lui livrer.

Guidobaldo avait pu apprendre déjà à connaître Alexandre VI. Prisonnier des Orsini, dans une guerre où il secondait docilement la politique du pape, il s’était vu refuser par lui le prix de sa rançon, et il avait fallu que la duchesse d’Urbin vendît tous les bijoux qu’elle possédait pour le tirer de captivité. D’autres campagnes, entreprises également sur des ordres émanés de Rome, avaient eu une issue malheureuse, parce que les secours formellement promis n’étaient jamais arrivés, et Guidobaldo, qui n’avait retiré de ses services que des infirmités cruelles, sollicitait en vain la permission de retourner dans ses états. Las enfin d’être le jouet de la duplicité d’Alexandre, il s’était séparé de lui pour reprendre la vie calme et studieuse que sa soumission au saint-siège l’avait seule forcé d’interrompre ; mais l’ennemi qui depuis long-temps méditait sa ruine était en mesure de ne plus la différer.

Avant d’en venir à la violence ouverte, Alexandre avait essayé de l’intrigue pour assurer à sa famille la possession du duché d’Urbin. Guidobaldo n’avait pas eu d’enfans de son mariage avec Elisabeth Gonzague, et il songeait à adopter son neveu, François-Marie della Rovere, fils de Jeanne de Montefeltro et du préfet de Rome. Lorsque ce projet fut soumis à l’approbation du pape, celui-ci y mit pour condition l’alliance de sa nièce Angela Borgia avec l’héritier présomptif de la couronne, auquel il accorda en revanche la dignité dont son père avait été revêtu. François-Marie, ou, comme on disait alors, le prefettino, fut donc fiancé à Angela et amené ensuite à la cour de Guidobaldo ; mais, le mariage ne pouvant avoir lieu avant quelques années à cause de l’âge des deux enfans, Alexandre, dont le népotisme effréné ne s’accommodait pas des retards, jugea qu’il était plus sûr de s’emparer sans délai du duché et d’en donner la souveraineté à César. Guidobaldo,