Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/431

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les rattachaient à ce prince, ils renouèrent avec lui des relations intimes, et ceux qui ne purent le rejoindre à Pesaro participèrent aussi aux derniers actes de son règne par les écrits sur diverses questions qu’ils lui adressaient assidûment,

A côté de ces hommes que d’anciens services ou l’éclat de leur réputation rendaient plus considérables qu’aucun des nouveaux courtisans du duc, on distinguait encore Carlo Gabrielli, Filippino Doria et plusieurs autres descendans des premières familles d’Italie, qui ajoutaient à la gloire de leurs noms une certaine illustration littéraire. Les hôtes de l’Imperiale se montraient donc les dignes successeurs des hôtes du palais d’Urbin : seulement, ils ne continuaient pas, sans la modifier à quelques égards, la tradition que leur avait léguée le siècle précédent. Les abstractions philosophiques et la recherche de l’idéal n’occupaient plus exclusivement la pensée de ces savans, un peu convertis par les événemens à l’étude des réalités. Tout en professant encore l’amour de l’antiquité et le culte désintéressé de l’histoire, on tenait fort grand compte des faits contemporains et de leurs conséquences. On n’agitait plus aussi souvent des questions d’érudition pure ou de curiosité ; mais chaque jour on approfondissait davantage celles où la vie politique du pays et les conditions d’existence de son gouvernement pouvaient trouver quelque garantie. Les productions scientifiques ou littéraires de la cour de Pesaro à cette époque semblent, pour la plupart, inspirées par ce besoin des notions exactes et ce sentiment de l’utilité actuelle. Ce qui fit leur succès alors leur ôte tout attrait aujourd’hui, et les plans financiers, les maximes administratives ou les théories diplomatiques des conseillers de François-Marie nous laissent forcément aussi indifférens que le traité composé par le duc sur les avantages et les inconvéniens de la guerre.

Les arts eux-mêmes se ressentaient dans le duché d’Urbin de ce goût général pour les solutions pratiques, et ne dépassaient que rarement les termes du positif. L’architecture fortifiait les villes et ne les embellissait plus. La peinture et la sculpture, descendant des régions de l’idéal dans le domaine de l’histoire contemporaine, retraçaient sur les murs de l’Imperiale les hauts faits et les malheurs de François-Marie. Toutefois, lorsque le duc eut pris possession de cette résidence, construite par Léonore Gonzague, sa femme, pour fêter son retour, et qu’elle avait voulu surtout consacrer à sa gloire, il y ajouta des décorations moins conformes aux tendances nouvelles, et l’enrichit de tableaux, de statues et d’objets d’art de toute sorte dont l’amour du beau avait seul inspiré le choix. Raphaël de Colle, Dosso de Ferrare, Bronzino et plusieurs autres peintres célèbres vinrent concourir à l’ornementation du palais que le père du Tasse indiquait, quelques années plus tard, comme « le plus beau séjour qu’un prince pût