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IV.

Tels sont mes doutes sur les lettres et les aveux qu’on y a vus. Il est tout simple d’ailleurs que, ne croyant pas à des aveux directs de Marie, je n’aie pas foi aux témoignages qui l’accusent de meurtre. Le plus important est celui du Français Nicolas Hubert, dit Paris, placé par Bothwell auprès de Marie Stuart, et qui fut un des agens du meurtre. Ce malheureux, arrêté deux ans après, fit deux dépositions. Le 9 août 1669, sans être interrogé, il raconte spontanément tout ce qu’il savait de l’attentat, ayant soin d’y mêler des flatteries à Murray, alors régent d’Ecosse, et qui disposait du droit de grâce. Toute sa déclaration est à la charge du seul Bothwell; il la terminait par ces mots : « Voilà tout ce que je sais touchant ce fait. » Le lendemain, corrompu par des promesses d’impunité, ou peut-être, comme l’insinue Robertson, par la menace de la torture, parmi une foule de choses ou fausses ou improbables, il glissa une dénonciation contre Marie. cette dénonciation ne le sauva pas : le 16 du même mois, il fut pendu.

Si l’on recherche les témoignages, que n’oppose-t-on à celui de Paris les aveux de Bothwell mourant, lequel déclara qu’il se reconnaissait pour l’assassin de Darnley et que Marie Stuart était innocente du meurtre? Le testament qui contenait cette confession fut envoyé par le roi de Danemark à Elisabeth, qui, s’il faut en croire une lettre de Marie Stuart, le supprima. Le fait de la suppression, quoique probable, peut être mis en doute; mais le testament a existé: Bothwell y protestait, sur la damnation de son ame, de l’innocence de Marie; il est vrai qu’on peut ne voir dans cette protestation qu’un mensonge généreux. M. Mignet, qui n’en parle point, l’a sans doute omise comme un fait à décharge de trop peu de poids. Il me pardonnera de ne le pas dédaigner, non plus que la réconciliation de la mère de Darnley, la comtesse de Lennox, avec Marie Stuart, témoignage qui peut balancer celui du comte, lequel la dénonçait comme meurtrière. Il est vrai qu’on peut croire à l’illusion de la femme, ou, ce qui serait moins vraisemblable, au pardon de la mère. Dans tout cela, je le sais, rien n’est évident, rien, si ce n’est le crime et l’intérêt, intérêt du jour, du lendemain à peine, que Bothwell et Marie avaient au meurtre de Darnley.

Les lettres et les témoignages contestés, il reste la conduite de Marie avant et après le meurtre. L’aveuglement et l’industrie de la passion me paraissent suffire pour en expliquer les principales circonstances.

Avant le meurtre :

Pourquoi ce voyage à Glasgow, ces soins donnés à Darnley et tout ce manège d’épouse réconciliée? Si ce n’est ni pour un raccommodement ni pour un meurtre, ne serait-ce point pour ôter de l’esprit de