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présenter au gouvernement de la république. Ces mines sont situées à douze kilomètres et au nord de la cordillère de Cumana, qui, en cet endroit, sépare la table d’Urica de la pointe d’Araya, la table et la pointe se trouvant sous le même méridien. Je trouvai les terres de la pointe d’Araya couvertes de touffes de madrépores de couleur grise à une hauteur de quatre à cinq mètres au-dessus du niveau de la mer. J’en brisai plusieurs avec ma canne, et je les trouvai blanches à l’intérieur ; la couleur grise de ces madrépores n’était que l’effet des rayons brûlans du soleil. Les marées étant presque insensibles sur cette côte et ne s’élevant que rarement à la hauteur d’un mètre, la vue de ces touffes enracinées dans l’endroit où elles ont végété, et qui ne peuvent végéter que sous l’eau salée de la mer, chassa de mon esprit tous les doutes que je pouvais avoir sur le soulèvement qui a produit la plaine où se trouve assise la ville de Cumana. À l’époque où s’est opéré le soulèvement de la plaine de Cumana et de la pointe d’Araya, celui du système des tables a dû s’opérer également, et ce mouvement, qui s’est fait sentir au nord et au sud de la cordillère de Cumana, a pris son origine dans cette cordillère entre le 6(e degré 25 minutes et le 66e degré 30 minutes de longitude ouest du méridien de Paris, ayant son foyer précisément sous les pics les plus élevés de la cordillère. Dès que ce mouvement s’est fait sentir dans la partie sud, le soulèvement, avançant progressivement, a rencontré près de Caicara de Maturin l’Orénoque, qui alors coulait dans le grand chenal sur le bord duquel est construit Maturin, et où coule encore la rivière Guarapiche, qui prend sa source au sein de la cordillère. À mesure que le soulèvement changeait le niveau, le fleuve se retirait et creusait un nouveau canal pour gagner son embouchure. C’est ainsi que successivement il creusa le chenal d’Amana, ensuite celui de Tonoro, puis ceux de la Guanipa, de la rivière sèche d’Aritupano, du Chise, du Tigre, etc.

S’il restait des traces d’un passage de l’Orénoque dans la direction du sud-ouest au nord-est, depuis Caicara de la Guyane jusqu’à Caicara de Maturin, il serait inutile de faire la moindre observation pour démontrer ou rechercher les causes qui ont pu produire les magnifiques canaux où se jettent les rivières Guarapiche, Arco et Caripe, ainsi que ces immenses fils de fleuves desséchés que l’on rencontre sur les tables ; mais il n’est pas étonnant que le canal principal ait laissé des traces presque imperceptibles, attendu que ces eaux, courant dans le sens opposé à la marche du soulèvement, n’abandonnaient entièrement leur lit que quand il se trouvait obstrué en totalité par l’effet du niveau qui s’élevait en face de lui. Pendant cette lutte, les eaux du fleuve perdaient leur vitesse ; ne pouvant plus charrier les sables qu’elles avaient entraînés jusque-là, elles les abandonnaient, et ces sables remplissaient peu à peu le chenal jusqu’à la plus grande hauteur des débordemens du fleuve. Il n’en était pas de même pour les nouveaux canaux que creusait le fleuve en allant se jeter dans le golfe Triste ; ces canaux, qui formaient avec le lit principal un angle de 120 à 130 degrés, marchaient dans le même sens que le soulèvement, et l’eau de l’Orénoque, une fois entrée dans ces canaux, reprenait la vitesse nécessaire pour charrier les sables jusqu’à leur embouchure.

Je m’étais laissé entraîner à ces réflexions, tout en gravissant la table de Guanipa. Arrivé au sommet, je donnai un dernier regard à la montagne de Guacharo, qu’on pouvait encore apercevoir à l’horizon, et je continuai ma route à travers la plaine ; ma mule enfonçait dans le sable de trois ou quatre