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À partir de ce moment, les deux grands partis qui déjà divisaient la Belgique, les catholiques et les libéraux, se donnèrent publiquement la main contre le roi. L’union fut cimentée à Liége à l’occasion d’un procès de presse intenté au journaliste de Potter. Les deux partis se firent des concessions réciproques : le clergé travailla en faveur des pétitions radicales ; libéraux devinrent les champions de la liberté de l’enseignement et de la séparation de l’église et de l’état. Le roi Guillaume eût-il pu prévenir cette coalition redoutable, soit en s’appuyant sur les libéraux contre le clergé, soit en soutenant le clergé contre les libéraux ? c’est ce qu’il est assez difficile de décider. En se livrant exclusivement à l’un ou l’autre parti, Guillaume eût été placé dans la double alternative d’abandonner entièrement l’enseignement de la jeunesse au clergé et de se faire l’instrument de tous ses voeux, ou de redresser tous les griefs des libéraux, et d’ouvrir ainsi la brèche à la fraction révolutionnaire. Les hommes qui composaient cette minorité du parti libéral se seraient emparés de chaque concession pour en demander de nouvelles. L’alliance des libéraux était donc dangereuse, l’alliance des catholiques ne l’était pas moins. Guillaume ne pouvait se lier avec les papistes (de Roomsche). En satisfaisant toutefois aux exigences de l’un des deux partis, il eût réussi peut-être à contenir l’autre ; il eût retardé au moins la coalition que les catholiques et les libéraux, tour à tour trompés dans leurs espérances, formèrent pour le renverser.

Le redressement des griefs nombreux que le souverain hollandais avait accumulés en Belgique devint la bannière sous laquelle l’union catholique-libérale commença à agiter les masses. Le rejet par les états généraux de la proposition de M. de Brouckère, tendant à l’abrogation de l’arrêté de 1815 sur la presse, et l’acquittement des cinq accusés pour délits de presse – de Potter, Ducpetiaux, Claes, Jottrand et Coché-Mommers, — furent le signal des pétitions. Soixante-dix mille pétitionnaires, dont les deux tiers (quarante-cinq mille) furent fournis par les Flandre où le clergé est tout-puissant, réclamèrent la liberté de la presse, de l’enseignement, et la responsabilité ministérielle. Les états-généraux votèrent le renvoi des pétitions au gouvernement et appuyèrent plusieurs des points demandés. Cette concession encouragea l’opposition des journaux. Dans les deux camps, on vit surgir partout de nouvelles feuilles, les unes ministérielles, les autres opposantes. Plus de trente procès furent intentés aux journaux libéraux. En même temps que le gouvernement combattait les fureurs de la presse, il se rapprocha du clergé. Il remplit les sièges vacans des évêchés de Gand, de Namur et de Tournay et modifia les décrets relatifs à ce collège philosophique de Louvain qui avait provoqué tant d’orages.

La situation était devenue assez grave pour que le roi sentît le besoin