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les places, qui seraient bientôt, faute de ces soins quotidiens, envahies par la végétation, et pour obliger quelques Indiens à quitter leurs bois et venir coucher chaque nuit au village ; un vieil Indien sonne la cloche tous les matins et tous les soirs ; il enseigne quelques maximes de la religion chrétienne à une douzaine d’enfans qui passent le reste du jour au milieu des forêts.

Le 14 janvier, je partis de Guasipati une heure avant le lever du soleil, et j’arrivai à midi sur un petit tertre, d’où l’on aperçoit les toits rouges de Tupuquen se dessinant à l’extrémité d’une belle plaine de six kilomètres de large. Cette vue nous fit éprouver une grande satisfaction ; il y avait vingt-deux jours que nous étions en marche, et nous allions nous réunir à des amis pour continuer avec eux l’exploration commencée. En une heure de marche, nous fûmes à Tupuquen. Le village est plus grand que celui de Guasipati, les maisons y sont construites sur le même modèle. Le couvent est moins beau, et l’église qu’on commençait à bâtir lorsqu’éclata la guerre de l’indépendance n’a pas été achevée.

Toutes les maisons du village étaient occupées par des hommes appartenant à toutes les nations. Espagnols, créoles. Anglais, Français, Allemands, Italiens, Polonais, etc. Je rencontrai bientôt le docteur Beauperthuis, qui avait fait bâtir un hangar à deux milles environ du village ; il me donna, pour moi et les miens, un asile où nous allâmes nous installer sans retard. Je laissai trois jours de repos à mes gens avant de leur faire construire un hangar pour nous abriter. J’employai Ces trois jours à examiner les lieux et surtout à observer le mode de travail des laveurs d’or.

De tous les pays que je venais de parcourir, celui de Tupuquen me paraissait le moins riche par la nature des roches qu’on y rencontrait ; cependant le travail de l’ouvrier me parut suffisamment récompensé : un laveur pouvait retirer, en quatre ou cinq heures de travail, de cent à cent vingt-cinq grains d’or d’une valeur de 20 francs environ. Ce travail, qui n’était pas plus pénible qu’aucun de ceux auxquels se livrent les terrassiers, me parut grandement rétribué dans un pays où l’ouvrier ne gagne que 1 fr. 50 cent, ou 2 francs par jour pour neuf heures de travail. De plus, l’ouvrier trouvait aisément une bonne nourriture à raison de 1 franc par jour. Si l’on ajoute que le lavage dans des bâtées ou grandes écuelles de bois amène toujours la perle de plus des deux tiers de l’or renfermé dans l’argile d’où l’on cherche à le séparer, il sera permis de conclure qu’il y a sur ce point de très grandes richesses.

Je ne voulus pas mettre mes hommes au travail dans le lit de la rivière, mais sur un terrain qui, selon les apparences, n’en avait jamais fait partie. Par l’expérience, il était reconnu que l’or ne se rencontrait que dans un lit d’argile verte ou cendrée. Je fis donc creuser jusqu’à la rencontre de ce lit, que je trouvai à une profondeur de soixante-quinze centimètres à un mètre ; j’employai le moyen de lavage usité par les autres travailleurs, et, une demi-heure après avoir commencé mes fouilles, j’avais retiré de l’or du lit d’argile verte ; plusieurs fois je fis des essais sur l’argile jaune qui se trouvait au-dessus et au-dessous du lit d’argile verte, mais je n’y ai jamais trouvé d’or. Après quarante-huit heures d’un travail assidu, j’avais reconnu que par chaque vingtaine de livres de terre (dix kilos), je retirais un grain et demi d’or. En tenant compte de ce que je perdais par la mauvaise méthode que j’employais, par l’inexpérience