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ma pensée vers les admirables ruines que j’avais rencontrées dans ce pays, vers tant de monumens qui, depuis les princes Achéménides jusqu’à la dynastie des Kadjars, attestaient la grandeur de la nation persane. Je revoyais cette nation à son avènement sur la scène du monde, se formant au contact des peuples qu’elle avait vaincus, leur empruntant leurs arts, puisant le goût du beau tour à tour dans l’Attique et sur les bords du Nil ; je la voyais survivre aux victoires d’Alexandre, et remettre sa nationalité conquise sous la garde des Arsacides. Puis venait la dynastie des princes issus de Sassan, sous lesquels se livraient ces grands combats racontés par Firdousi dans le Livre des Rois[1]. L’un de ces princes, Chapour, cherchait à faire refleurir les arts sur la terre d’Iran, où il appelait des artistes grecs; mais ses efforts, inspirés par un orgueil excessif, ne dotaient la Perse que de quelques monumens informes, grossières représentations des exploits d’un monarque plus belliqueux qu’éclairé. Bientôt cependant la dynastie des Sassanides faisait place aux princes mogols. Les disciples de Mahomet brisaient les autels du feu et insultaient à Zoroastre au nom d’Omar. C’en était fait de cette seconde famille de monarques, qui avaient régné sur la Perse pendant plus de quatre siècles. Une ère de révoltes et de guerres civiles s’ouvrait pour la nation persane. Le joug des princes mogols pesait sur elle jusqu’au jour où Châh-Ismaël la soulevait, au cri d’Ali, contre ses oppresseurs. Les Persans, devenus chiites, c’est-à-dire schismatiques, retrouvaient dans l’hérésie comme une vie nouvelle, qui se personnifiait avec éclat dans les princes Sophis. Une seconde fois cependant, sous le règne du dernier des princes Sophis, ils voyaient des étrangers envahir leur territoire. Les Affghans étaient maîtres de la Perse; mais un soldat sauvait bientôt l’antique royaume, et, sous le nom de Nadir-Châh, gouvernait glorieusement son pays. Enfin les Kadjars venaient, dans les dernières années du XVIIIe siècle, s’asseoir sur le trône de l’Iran, sans consacrer peut-être à la régénération de la société soumise à leur sceptre toute la sollicitude que cette grande œuvre exigerait. Aujourd’hui, c’est encore sous leur direction que cette œuvre se continue; mais on ne saurait se dissimuler que bien des obstacles la contrarient, que bien des causes d’affaiblissement et même de ruine pèsent sur les populations gouvernées par les princes Kadjars.

Quoi qu’il en soit, des titres impérissables recommanderaient encore la Perse à la sympathie des sociétés occidentales, si même les réformes conseillées par une sage politique à la dynastie actuelle

  1. Voyez, sur le Châh-Nameh de Firdousi, la Revue du 15 août et du 1er septembre 1839. Firdousi employa plus de trente années à écrire ce poème, qui contient plus de dix mille vers.