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gazonnées prêtes à se garnir de canons, la roche qui porta la vieille cité d’Aleth. Saint-Servan s’étend au-delà, réuni à Saint-Malo plutôt qu’il n’en est séparé par un immense port d’échouage qui s’ouvre sur la Rance.

Saint-Malo est le foyer du mouvement maritime et commercial dans le pays dont les limites viennent d’être indiquées. Cette contrée, riche d’une agriculture à laquelle il reste encore d’importantes conquêtes à faire, est habitée par une race d’hommes religieuse, vaillante, droite de cœur et d’esprit, constante dans ses entreprises et dans ses affections, quittant avec joie le sol natal pour les expéditions les plus périlleuses et les plus lointaines, mais toujours ramenée au foyer paternel par d’invincibles attachemens. Les grandes choses qu’ont faites les Malouins, le rang qu’ils tiennent encore dans notre navigation, témoignent de ce qu’ils seraient en état d’accomplir, et aucune partie, des côtes de France n’offre, dans les hommes et dans les choses, plus de ressources pour la reconstitution de notre marine que celle-ci. Je n’ai pas besoin de dire que le terme de Malouins ne désigne pas uniquement les habitans des 21 hectares sur lesquels est bâtie la ville de Saint-Malo : il s’applique à tout le quartier d’inscription maritime où se formaient les équipages de Jacques Cartier, de La Barbinais, de Duguay-Trouin, de Surcouf, et c’est ainsi que l’entendait Louis XIV, lorsque, dans ses ordonnances des 18 mars 1655, 14 janvier et 10 mars 1668, il prescrivait que le vaisseau-amiral de ses flottes fût toujours exclusivement monté par des matelots, officiers-mariniers et canonniers malouins.

La Rance, qui forme la rade, le port et l’établissement maritime de Saint-Malo, divise le pays adjacent en trois parties, dont les relations commerciales, bien que convergentes vers un même but, empruntent ou réclament des voies essentiellement distinctes. Ces trois parties sont la rive droite, la rive gauche de la Rance maritime, et le bassin du canal d’Ille-et-Rance, qui met aujourd’hui l’atterrage de Saint-Malo en communication avec Rennes, le cours de la Vilaine et le canal de Nantes à Brest.

La presqu’ile qui sépare la rade de la Rance de celle de Cancale a 14 kilomètres de largeur, et, de l’une à l’autre, la côte court à l’est-nord-est. Inégale et déchirée, elle projette au travers des flots les pointes rocheuses de la Varde, du Meinga et du Grouin de Cancale, puis se retourne brusquement vers le sud ; des roches nombreuses, dont une grande partie sont couvertes à la haute mer, forment en avant un rempart d’écueils. Le long et à une certaine distance de la mer, le gneiss perce de tous côtés un manteau de sables siliceux que lui ont jeté les vents du large : ces sables sont fixés par un gazon grossier, et les essais de culture dont ils ont été l’objet ont tous réussi.