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le terrain granitique une échancrure demi-circulaire, dont le bas est occupé par une miellé légèrement mamelonnée, et dont le pourtour s’élève par des pentes rapides jusqu’au niveau du plateau supérieur. Les Anglais étaient dans les mielles, et, quoi qu’on en ait dit et imprimé, ils n’avaient fait aucun ouvrage de campagne pour protéger leur retraite. Ils ne comptaient pas si tôt sur les nôtres, et furent surpris de les voir couronner tout à coup la hauteur : l’ardeur de ceux-ci était telle que l’infanterie arriva au pas de course aussi vite que les dragons. À cet aspect, l’arrière-garde ennemie, composée de grenadiers et de gardes du roi, fait volte face, et toute la troupe se met en bataille ; mais, tandis qu’elle engage une vive fusillade avec notre centre, la division d’Aubigny, avec le régiment de Boulonais et la compagnie de gentilshommes volontaires en tête, descend dans l’arène et prend l’ennemi en flanc. Le régiment de Boulonais ne tire pas ; il se jette sur les Anglais à la baïonnette, renverse leur premier bataillon, et la division tout entière les pousse en désordre vers l’escarpe de la Garde-Guérin. Cependant les Anglais se rallient, se reforment, et tentent un effort désespéré sur notre centre, dans l’intention évidente d’y faire une trouée et de prendre au bord du plateau l’avantage de position auquel ils ont maladroitement renoncé ; mais ils sont repoussés par M. de Broc et par cinq pièces de campagne que le duc d’Aiguillon fait avancer. Dans cette extrémité, ils conservent assez de sang-froid pour remplir en ordre toutes les chaloupes que la flotte avait envoyées ; deux cependant surchargées d’hommes coulent, et l’on voit sur plusieurs autres les hommes embarqués couper à coups de sabre les mains des malheureux qui cherchent à s’y accrocher. À l’instant de l’attaque, la flotte avait détaché deux frégates de 30 canons, cinq chaloupes armées et deux bombardes, qui s’étaient avancées avec la mer montante. Elles firent un feu plus bruyant que meurtrier : gênées par l’interposition des leurs, elles tiraient sur la hauteur ; mais lorsque, le combat finissant, on n’aperçut plus sur la plage qu’une masse confuse d’hommes. les frégates anglaises se mirent de rage à tirer dessus… Tros Rutulosve fuat… Nos soldats, sans s’émouvoir, poussèrent un groupe d’Anglais sur la plage, et les massacrèrent sous les boulets des frégates, ce que voyant, l’amiral fit signal de cesser le feu.

La paix était faite ; nos soldats remontèrent sur la hauteur ; on compta 732 prisonniers, dont 40 officiers. Un nombre d’hommes à peu près égal s’était embarqué, et le lendemain on enterra 1,160 morts ; les Anglais étaient donc un peu plus de 2,500 à terre quand on les aborda. Nous eûmes de notre côté 63 officiers et 382 soldats tués ou blessés ; les blessés anglais reçurent les mêmes soins que les nôtres. Dans le dénombrement des prisonniers, les officiers se reconnaissaient à un singulier insigne : ils étaient nus, absolument nus, ils n’avaient pas même