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la part de la foule qui entourait sa voiture et lui prodiguait les témoignages de son intérêt avec les apparences d’une vive affliction. Charles cependant ne croyait pas qu’on songeât sérieusement à instruire son procès ; mais il s’attendait chaque jour à tomber sous les coups d’un assassin. Il avait laissé croître sa barbe, et sa chevelure grisonnante, ses vêtemens négligés, l’expression mélancolique répandue sur son visage, produisaient, dit lord Clarendon, l’effet le plus douloureux sur les personnes qui le virent durant ce triste trajet.


II.

L’East-riding de la Medina est le plus joli côté de l’île ; le West-riding en est le plus sévère. Aussi est-ce à Ryde, à Shanklin, à Ventnor, que vivement s’abattre en été les essaims des baigneurs, tandis que les touristes se bornent en général à visiter, sans y faire de séjour, les parties sauvages de la côte occidentale, depuis Gurnets-Bay jusqu’aux rochers de Freshwater. Sans prétendre ici tracer un itinéraire et lutter d’exactitude avec les guides que tout voyageur débarqué dans l’île de Wight peut acheter sur les lieux, je crois utile cependant d’indiquer quelques-uns des sites les plus intéressans.

Je suppose qu’on a pris la route de Cowes à Ryde (la distance est de sept milles) : l’aspect du pays vu de cette route est délicieux. Je ne connais rien de plus ravissant qu’un joli paysage anglais, et surtout au coucher du soleil. J’ai beaucoup voyagé et visité la plupart des pays de l’Europe : si j’excepte les marronniers des Tuileries, je n’ai pourtant trouvé encore de vrais arbres qu’en Angleterre. Les rameaux contournés et noueux des chênes et des ormes y donnent naissance à une si merveilleuse quantité de feuilles, que les masses de cette végétation luxuriante sont presque impénétrables aux rayons du soleil ; l’obscurité des ombres dessine nettement alors les formes de ces épais bouquets de verdure et en fait ressortir toutes les saillies. Les arbres anglais ne lèvent pas bien haut la tête, mais ils étendent très loin leurs bras ; les vapeurs que la terre exhale sont retenues par les voûtes du feuillage à travers lequel elles ne peuvent se frayer une issue. Condensées par la fraîcheur, on les voit au déclin du jour colorer en bleu transparent les étages superposés de ces sombres demeures, asile ordinaire des tourterelles et des rossignols. Il y a dans cette juxta-position de lumières et d’ombres vigoureusement accusées de ravissantes harmonies pour l’œil d’un peintre ; que les lueurs du couchant viennent étendre sur les parties éclairées un glacis de rose et d’or, et l’effet de cette riche nature devient encore plus saisissant,

La route de Ryde est bordée à gauche par des bois touffus, et de temps en temps une légère fumée qui s’en élève y trahit la présence