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se rendre à la mer. À la vue de mes chèvrefeuilles et de mon bel hortensia, la party ne manquait jamais de s’écrier : How beautifull ! how very beautifull ! au point que j’avais fini par rire un peu au nez des cockneys que, de l’intérieur de mon sitting-room, je voyais se pâmer ainsi devant ma porte.

L’intérieur du chine de Shanklin est, dans toute son étendue, protégé par d’épais ombrages ; la nature a pourvu les deux côtés de cette étroite vallée de la plus riche végétation : c’est, pendant l’été, le rendez-vous de nombreuses sociétés qui viennent y faire des parties. Chose singulière, dans ce pays où le soleil est si rare, les moyens de se mettre à l’ombre sont multipliés partout avec une sollicitude extrême ; les femmes adaptent à leur chapeau des visières en soie bleue pour adoucir l’éclat de la lumière ; j’ai vu même des dandies porter des voiles verts en se rendant en voiture découverte aux courses d’Epsom. Le soleil et la poussière sont, le croirait-on ? deux inconvéniens dont on est singulièrement effrayé en Angleterre, dans ce pays classique de l’humidité et des brouillards !

Au fond du chine coule un petit torrent qui descend en cascade jusqu’à la mer ; il est alimenté par une assez jolie chute d’eau, peu intéressante cependant pour qui a parcouru des pays de montagnes. J’ai trouvé que, sur une échelle réduite, le chine de Shanklin présentait plus d’une analogie avec certaines gorges de la Suisse et des bords du Rhin. Le voisinage de la mer, il faut bien le dire, lui prête un charme tout particulier, Shanklin est l’une des escales des steamers de plaisir : on peut y faire des pêches assez amusantes dans la baie, à la ligne de fond, au filet, ou même au harpon ou à la lance, suivant la grosseur des poissons.

Mises en parallèle avec Shanklin, les autres watering-places de l’île perdent beaucoup à la comparaison. La ville de Ventnor, par exemple, qui semble marquer la limite de la végétation dans l’île, est fort triste. Adossée à des rochers élevés et à de hautes collines sur le penchant desquelles elle est en partie construite, elle a de loin un peu l’aspect d’mie ville d’Italie. Ainsi que je l’ai dit, le climat de Ventnor est doux ; aussi les médecins y envoient-ils beaucoup de personnes attaquées de la consomption, ce cruel fléau de l’Angleterre. Ventnor est à quatre milles de Shanklin ; le ravissant petit village de Bonchurch lui sert de faubourg ; je recommande aux voyageurs sa magnifique allée de grands arbres, sa pièce d’eau couverte de cygnes et son beau parc. Celui d’Apuldurcombe, situé à deux milles et demi de distance de Ventnor, mais dans l’intérieur, vaut aussi la peine d’être visité. Ce domaine est le séjour de la famille des Pelham, dont l’aîné porte le nom de lord Yarborough. Quant au château, il est dénué d’intérêt depuis qu’on l’a dépouillé de sa célèbre collection de tableaux. On a choisi, pour établir