Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/764

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment à désavouer du haut de la tribune les agens places sous ses ordres, et qui les eût abandonnés au lieu de les couvrir.

À quoi l’on répond, nous le savons bien : Vous avez un ministère insuffisant qui vous propose une transaction mauvaise sur une loi de première nécessité politique ; n’importe, il fallait accepter docilement le ministère et sa loi, car autrement vous aurez la guerre civile, à moins que vous n’ayez les coups d’état. — Nous n’aurons, si nous le voulons bravement, ni les coups d’état, ni la guerre civile. Des discours imprudens et des velléités impatientes il y a plus loin qu’on ne pense à l’exécution. Entre l’exécution et les discours, il y a plus de temps qu’on ne croit pour la réflexion, pour les sages et patriotiques pensées. Quant à ces hypocrites qui pleurent de fausses larmes en nous disant de leur voix la plus touchante que nous leur percerons le cœur, si nous les forçons à nous tirer des coups de fusil pour nous être trop refusés à leur obéir ; quant à ces déclamateurs de méchant aloi qui menacent sous air de gémir, nous ne savons qu’une chose : c’est que le premier qui prendra le fusil ne commencera point la guerre civile ainsi qu’il la nomme d’un nom si fier, mais seulement l’insurrection. Or il en est de l’insurrection à coups de fusil, comme de l’insurrection à coups d’état : — on les embarrasse fort l’une et l’autre, lorsqu’on les attend à son poste l’arme au bras et le pied ferme.

Le jour même où s’ouvrait l’assemblée française, les chambres belges reprenaient aussi leurs séances. Le discours du loi Léopold, qui est venu lui-même inaugurer la nouvelle session, ne laisse pas de faire un contraste significatif avec le message du président de la république française. Sans pousser le rapprochement jusqu’à la comparaison toujours délicate des personnes, et pour n’en prendre que les points les plus généraux, on peut dire qu’il n’est guère à l’avantage de la constitution de 1848. C’est bien là qu’on aperçoit tout ce qu’il y a de défectueux dans notre établissement de février, c’est lorsqu’on met la situation qu’il nous vaut en regard de celle que la Belgique a su conserver, même dans une passe laborieuse, grâce à sa monarchie parlementaire. On voit où nous en sommes avec une assemblée unique contre laquelle il n’y a point de recours, et un pouvoir exécutif ainsi placé comme en dehors de l’assemblée. Du moment où ces deux autorités ne fonctionnent plus d’accord, elles tendent incessamment à s’isoler davantage, et la paix une fois rompue entre elles, il devient presque impossible de savoir comment finira la guerre. La guerre, au contraire, s’arrête d’elle-même dans un état où l’on a, comme en Belgique, le culte et la pratique sincère des véritables institutions représentatives, où la représentation du pays se trouve en quelque sorte pondérée par le sage équilibre des deux chambres, où l’appel au pays est toujours facile, puisque la couronne jouit du droit de provoquer d’autres élections. Quelle que soit la mauvaise humeur qui perce encore dans certaines démonstrations du sénat belge, il ne peut manquer de subir ces influences salutaires.

On se rappelle la division regrettable qui éclata entre le sénat et le ministère belge au sujet de l’impôt dont celui-ci voulait grever les successions en ligne directe. Cet impôt rentrait dans un ensemble de projets qui avaient le double but d’améliorer la position financière de la Belgique, et, selon les termes du discours royal, « de lui procurer des travaux publics, dont l’exécution, élé-