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constamment à la disposition du consul britannique résidant à Canton vingt agens de police qui seraient chargés d’accompagner les habitans des factoreries, dès que ces étrangers sortiraient de la ville pour se promener dans la campagne ou pour débarquer sur les bords du fleuve. Cette proposition avait soulevé à Hong-kong les objections les plus vives. Accepter une pareille escorte, c’était, disait-on, admettre implicitement les hypocrites protestations du vice-roi, c’était reconnaître qu’impuissant à contenir les populations de la campagne, il ne pouvait être considéré comme responsable des délits qui se commettaient en dehors du cercle restreint dans lequel s’exerçait l’intervention des agens officiels. Trop heureux de trouver l’occasion de sortir de la voie dangereuse où son imprudence l’avait engagé, sir John Davis ne se laissa point arrêter cette fois par les clameurs qui accueillirent les premiers bruits de pacification. Il accepta l’arrangement proposé par le vice-roi, non point comme une satisfaction complète, mais comme la base d’un armistice qui lui laisserait le temps de renvoyer à lord Palmerston la responsabilité d’une rupture définitive. Prévenus de cette résolution, les négocians anglais furent invités, malgré les questions qui demeuraient encore en suspens, à reprendre le cours de leurs affaires et à occuper de nouveau les factoreries. Un bateau à vapeur, le Vulture, fut immédiatement expédié à Singapore pour contremander l’envoi des troupes qui devaient venir de l’Inde. Déjà un des steamers de la compagnie, l’Auckland, avait quitté Poulo-Penang avec un détachement de l’artillerie de Ceylan, et ce premier renfort arriva le 20 février à Hong-kong. Sir John Davis voulut prouver que sa confiance dans l’arrangement qu’il venait de conclure n’avait pu être ébranlée par les plaintes amères dirigées contre sa conduite : il donna l’ordre à l’Auckland de rapporter sans délai à Poulo-Penang les artilleurs qui avaient été distraits de la garnison de cette île. Ce fut le dernier acte de sir John Davis. Le paquebot du mois de février lui annonça la prochaine arrivée de son successeur, M. Bonham, long-temps chargé du gouvernement de Singapore, et le mois de mars le vit quitter Hong-kong pour rentrer en Europe.

Il est peu d’administrations qui aient été plus sévèrement blâmées que celle de sir John Davis. Les négocians de Hong-kong ont des exigences qu’il est malaisé de satisfaire, et le gouverneur qui veut récuser leur tutelle doit se résigner à leur hostilité. Ces marchands fastueux sentent que la colonie de Hong-kong est leur ouvrage bien plus que celui du gouvernement. Si cet établissement n’a pas été étouffé dès sa naissance, si le pavillon anglais flotte encore à l’embouchure du Chou-kiang, c’est en effet au commerce britannique, à son admirable persévérance, à ses inépuisables ressources qu’il en faut rapporter l’honneur.