Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir ainsi lutté contre la cour, ont fini par prendre rang dans le parti libéral. De même, les auteurs de la révolution de 1688, les partisans de la dynastie nouvelle, à force de la défendre, eux ou leurs enfans, contre les amis des Stuarts, se sont accoutumés à se tenir toujours du côté du pouvoir et même de la cour, et précisément à raison de leur zèle d’anciens whigs, ils sont devenus réellement ce qu’on a plus tard appelé des tories. Walpole est le plus célèbre exemple de cette transition assez naturelle. La cause de la révolution n’eut point de partisan plus fidèle, la restauration de plus énergique adversaire, et pourtant son nom, même délivré de bien des imputations exagérées ou calomnieuses dont l’histoire a fait justice, est resté comme le symbole du pouvoir dans la résistance, de l’esprit de gouvernement s’obstinant à lutter contre l’opinion populaire. C’est son parti que l’on a constamment appelé le parti de la cour. Ses adversaires étaient les patriotes ; on les désignait ainsi, et des mécontentemens de toutes sortes, depuis l’impatience du républicain jusqu’à la rancune du cavalier, recrutaient également pour cette opposition incohérente. Deux Pitt et deux Fox ont joué de père en fils le plus grand rôle dans le parlement, et, par le mouvement des événemens, les fils se sont trouvés rangés sous le drapeau opposé à celui qu’avaient suivi leurs pères. Dès le milieu du dernier siècle, les circonstances, les rivalités, les caractères séparaient ou rapprochaient tour à tour les hommes d’état qui se disputaient le pouvoir, la fortune et la renommée. La plupart, un grand nombre du moins, appartenaient au parti whig ; mais, s’il y avait des whigs dans le ministère, il y en avait dans l’opposition. Parmi eux, à l’époque que nous allons étudier, on devait distinguer le duc de Bedford et ses amis, le marquis de Rockingham et ses amis, Pitt enfin et les siens. Ces trois fractions de parti, ou, si l’on peut se servir d’un terme plus familier, ces trois coteries, étaient loin de s’entendre et de se concerter sur tout, et c’étaient leurs ruptures et leurs réconciliations qui faisaient et défaisaient les cabinets. Pitt seul, à qui pesait tout engagement, qui dédaignait les appuis et craignait la solidarité, Pitt, qui ne savait ou ne daignait pas ménager les hommes, et à qui son goût comme sa force permettait l’isolement, prit, en quittant le ministère, une attitude indépendante et réservée: il s’abstint de combattre autant que de soutenir, et commença cette vie de retraite à laquelle l’obligeait le soin de sa santé, où se plaisait sa nature impérieuse. Renfermé dans sa famille, impénétrable, intraitable, il ne se montra plus que de loin en loin, comme pour doubler l’effet de ses rares apparitions sur la scène parlementaire. Mais, lundis que son beau-frère, lord Temple, qui avait quitté les affaires avec lui, se jetait dans une ardente opposition, George Grenville. son autre beau-frère et le frère de lord Temple, restait dans l’administration, destiné à s’y élever bientôt à la première place. Cette administration avait alors pour chef