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causes, parvint un jour à la pairie, avait fondé un journal, le Breton, pour la défense de l’administration de lord Bute. En réponse, Wilkes publia le Breton du Nord (the North Briton). Le titre de cette feuille hebdomadaire était comme une accusation d’antiphrase contre celui du journal auquel elle répondait. En se donnant pour Écossais, on prétendait être meilleur Anglais que ceux qui en prenaient le nom. On pressent que dans cette publication les préjugés nationaux étaient exploités avec passion, et jamais l’invective contre un ministre n’avait été portée au degré de violence qu’elle atteignit contre lord Bute sous la plume de son insolent adversaire. On s’accorde à placer les talens de Wilkes comme écrivain fort au-dessous du premier rang ; mais sa hardiesse était sans égale. Il savait aiguiser l’injure, la mêler à la bouffonnerie et compenser ainsi ce qu’il manquait à sa polémique d’élévation, de force et de fécondité. Cependant lord Bute l’avait dédaigné ; mais, quinze jours après sa retraite (23 avril 1763), il parut un quarante-cinquième numéro du North Briton, où le roi était positivement accusé d’avoir proféré un mensonge (infamous fallacy) dans son discours pour la prorogation du parlement.

Moins endurant que son prédécesseur, ou excité par lui, George Grenville ordonna des poursuites, et le secrétaire d’état, lord Halifax, décerna un mandat de recherche et d’arrestation. Ce mandat était général (general warrant), c’est-à-dire qu’il n’était pas nominatif et prescrivait seulement à quatre officiers publics d’amener devant le secrétaire d’état les auteurs et complices de la publication incriminée. Aussi commença-t-on par quelques méprises : des personnes étrangères au North Briton furent arrêtées, jusqu’à ce qu’enfin on mit la main sur l’éditeur véritable, qui déclara devant lord Halifax que Wilkes était l’auteur de l’article. Les jurisconsultes de la couronne consultés prononcèrent que le mandat devait être exécuté, même contre lui ; mais quand les officiers publics se présentèrent à cet effet, il les effraya par ses menaces, et leur déclara que leur commission était illégale, ils se retirèrent ce jour-là, mais revinrent le lendemain plus rassurés, ou forts de nouveaux ordres, s’emparèrent de sa personne, sans lui donner copie du mandat, aux termes de la loi. et le conduisirent devant le secrétaire d’état. Pendant que lord Temple, averti à temps, requérait en sa faveur, de la Cour des plaids communs, un writ d’habeas corpus, c’est-à-dire une autorisation de faire juger si l’accusation était légale, le prisonnier, qui avait refusé de faire aucune réponse, était brusquement transporté à la Tour et mis au secret ; mais, on le sait, la loi anglaise est tutélaire pour la liberté individuelle. Un second writ d’habeas corpus ordonna au constable de la Tour d’en ouvrir les portes, et, conduit devant la Cour des plaids communs. dans Westminster-Hall, l’accusé devint accusateur. Il dénonça un noir complot contre les