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élevés. Aussitôt qu’ils les ont aperçues, ils se couchent et observent; puis l’un d’eux demeure, et l’autre retourne prévenir le goum. Il a vu quelquefois trente, quarante ou soixante autruches, car il existe, prétend-on, des troupeaux (djaliba) de cette force; d’autres fois, surtout au temps de leurs amours, les autruches ne se rencontrent que par trois ou quatre couples.

Les cavaliers, guidés par l’homme qui est venu les avertir, marchent doucement du côté où sont les autruches. Plus ils approchent du mamelon où elles ont été signalées, plus ils prennent de précautions pour n’être pas aperçus. Enfin, arrivés au dernier mouvement de terrain qui les puisse cacher, ils mettent pied à terre. Deux éclaireurs vont en rampant s’assurer de nouveau que les autruches sont toujours dans le même endroit; s’ils confirment les premiers renseignemens, chacun fait boire à son cheval, mais modérément, l’eau portée à des de chameau, car il est très rare de tomber sur un lieu où il y ait des sources. On dépose tout le bagage sur la place même où l’on s’est arrêté, et sans y laisser de surveillant, tant on est sûr de retrouver l’emplacement. Chaque cavalier porte à son côté une chibouta. Les domestiques et les chameaux suivent les traces des chevaux; chaque chameau ne porte plus que le souper en orge du cheval, son propre souper, et de l’eau pour les hommes et les animaux.

La station des autruches étant bien reconnue, on se concerte; les dix cavaliers se divisent et forment un cercle dans lequel ils cernent la chasse à une très grande distance, de manière à ne pas être aperçus, car l’autruche a très bonne vue. Les domestiques attendent là où les cavaliers se sont séparés; puis, dès qu’ils les voient tous à leurs postes, ils marchent droit devant eux. Les autruches fuient épouvantées; mais elles rencontrent les cavaliers, qui ne s’occupent d’abord qu’à les faire rentrer dans le cercle. L’autruche commence ainsi à épuiser ses forces dans une course rapide, car, aussitôt qu’elle est surprise, elle ne ménage pas son air. Elle renouvelle plusieurs fois ce manège, cherchant toujours à sortir du cercle, et toujours revenant effrayée par les cavaliers. Aux premiers signes de fatigue, les chasseurs courent sus. Au bout d’un certain temps, le troupeau se dissémine; on voit les autruches affaiblies ouvrir les ailes : c’est l’indice d’une grande lassitude; les cavaliers, certains désormais de leur proie, modèrent leurs chevaux. Chaque chasseur s’assigne une autruche, se dirige sur elle, finit par l’atteindre, et, soit par derrière, soit de côté, lui assène sur la tête un coup du bâton dont j’ai parlé. La tête est chauve et très sensible; les autres parties du corps offriraient plus de résistance. L’autruche, rudement frappée, tombe, et le cavalier s’empresse de descendre pour la saigner, ayant soin de tenir la gorge éloignée du corps.