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L’obligation où nous sommes de rétablir l’ordre profondément altéré dans nos finances est une des causes qui doivent très prochainement décider, bon gré mal gré, l’administration française à prendre en grande considération les idées de liberté commerciale. Nous sommes en état flagrant de déficit, comme l’Angleterre lorsque sir Robert Peel rentra aux affaires en 1842. Depuis quelques années, les whigs, qui étaient au pouvoir, justement effrayés de cette situation, s’efforçaient d’aligner le budget par des aggravations de taxes sans pouvoir y réussir. Sir Robert Peel s’y prit autrement. De son coup d’œil d’homme supérieur, dominant son sujet, il vit que la nation rendait tout l’impôt qu’elle pouvait raisonnablement payer, eu égard à sa puissance productive. L’impôt est un prélèvement sur la masse de richesses que crée annuellement le travail de la nation. Pour augmenter la fécondité de l’impôt sans obérer les contribuables, le plus sûr moyen, le seul, est d’agrandir la masse de richesses produite par le travail national. À cet égard, le principe de la liberté du commerce a de très grands avantages sur le système protecteur, je l’ai montré plus haut. Dès 1842, sir Robert Peel s’était donc mis à supprimer les droits sur presque toutes les matières premières qu’emploie l’industrie ; ceux qui n’ont pas été supprimés ont été réduits dans une forte proportion, et ce mouvement a été poursuivi jusqu’à ce jour. Parallèlement aux matières premières, on a affranchi de droits d’importation les denrées de première nécessité, et réduit au moins les droits sur toutes les substances alimentaires. Par le premier ordre de mesures, la réduction ou l’abolition des droits sur les matières premières, on a singulièrement développé l’industrie. Anglaise et notablement agrandi la puissance produite du capital déjà acquis. Les bras étant plus demandés, la somme répartie en salaires a été plus forte sans que des profits des chefs d’industrie fussent diminués ; au contraire. De cette manière, chacun des impôts qui avaient été maintenus a rendu davantage. Par le second ordre de modifications au tarif, celles qui avaient pour objet la réduction ou l’abolition des droits sur les alimens les plus usuels et sur tous les articles d’usage commun, les ouvriers ont retiré d’un même salaire une plus grande somme de satisfactions. Une livre sterling a contenu, une plus grande somme de jouissances, a impliqué la faculté de se procurer une plus grande quantité de tous les articles alimentaires et de beaucoup d’autres objets qui contribuent au bien être ; de sorte que, quand bien même les salaires fussent demeurés les mêmes, les ouvriers auraient été sensiblement mieux.

Par l’une et l’autre de ces catégories de mesures, il y a eu pour la nation plus de facilité à faire du capital ; et, après ce qui a été dit plus haut, je n’ai plus à signaler l’heureuse influence que l’abondance des capitaux exerce sur la puissance productive ode la nation, sur l’aisance des classes ouvrières, sur l’agrandissement de la matière imposable,