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dans ce climat où presque tout est à faire ou à modifier ; les Allemands ont seuls réussi, jusqu’à présent, à fonder au Brésil plusieurs colonies florissantes. Celle de Pétropolis, dans la province de Rio de Janeiro, créée en 1845 par mille Allemands, possède aujourd’hui une ville qui ne compte pas moins de trois mille habitans sédentaires, et, aux alentours, une vaste étendue de terrain en pleine culture. Une autre colonie importante, et en partie composée d’Allemands, est celle de Saint-Léopold, à Rio-Grande. En 1842, elle exportait déjà pour plus de 700,000 francs de produits ; elle a atteint presque le chiffre d’un million 800,000 francs en 1846, et dépasse maintenant celui de 2,500,000 fr. Toutes les denrées en sont exportées par des barques appartenant aux planteurs et construites dans la colonie, qui ne comptait pas, en 1849, moins de 39 distilleries de rhum, 6 sucreries, 3 fabriques d’huile, 41 moulins pour la préparation de la farine de manioc, 20 tanneries, un grand atelier pour la taille des pierres fines, 6 filatures de coton et de fil, 16 moulins à blé et une corderie. Les habitans sont en partie catholiques, en partie protestons ; mais le nombre de ces derniers est plus considérable. Il y a 12 chapelles, dont 4 sont affectées au culte catholique, et 8 au culte évangélique. Les 16 écoles primaires de Saint-Léopold sont fréquentées par 622 élèves des deux sexes. Malgré l’état d’agitation et de désordre auquel la province a été en proie pendant plus de neuf ans, la colonie, sous un climat qui rappelle celui de la France, n’a vu ni sa population ni son industrie rester stationnaires. Elle compte aujourd’hui plus de 6,000 habitans[1].

Tout bien considéré, les Européens les plus aptes à coloniser le Brésil seraient sans contredit les Hollandais ; sobres, économes, intelligens, doués d’un grand courage et d’une patience à toute épreuve, ils réunissent à peu près tout ce qui est nécessaire pour lutter avec avantage contre les difficultés d’une semblable entreprise. Qu’on lise d’ailleurs les anales du Brésil, et on y verra qu’à toutes les époques, à peine les Bataves posent-ils le pied sur ces plages, qu’ils laissent des traces ineffaçables de leur séjour. Nous ne croyons pas, cependant, qu’il convienne d’appeler exclusivement les Hollandais à fonder des colonies au Brésil : si, comme agriculteurs, ils remplissent les conditions les plus avantageuses pour une pareille mission, les Suisses peuvent souvent aussi, sans trop d’infériorité, entrer en ligne avec eux ; les Allemands de la Carinthie et de la Carniole, région riche en filons de cuivre, de fer, de plomb, de mercure et d’alun, sont plus particulièrement aptes aux travaux des mines ; les Irlandais font, d’ordinaire, d’excellens travailleurs, et les Français, pris dans certaines catégories et bien dirigés, pourraient donner sur tous les points une impulsion

  1. Entre autres colonies protégées par le gouvernement brésilien, nous ne pouvons nous empêcher de mentionner celle d’un Italien qui a complètement échoué, faute de ressources suffisantes et par l’inintelligence de sa direction. Nous avons vu encore le docteur Mure tenter l’établissement d’un phalanstère dans la province de Sainte-Catherine, et obtenir même des chambres brésiliennes une assez forte somme d’argent pour les premiers frais de son association. Les colons phalanstériens n’ont pas tardé à se disperser avant que leur œuvre eût porté ses premiers fruits, et le docteur Mure est venu implanter à Rio de Janeiro la médecine homoepathique.