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YU-KI LE MAGICIEN


LEGENDE CHINOISE.




Nous avions doublé le cap de Bonne-Espérance ; l’albatros et l’oiseau des tempëtes ne voltigeaient plus autour de nos mâts, d’Océan se calmait. Les passagers, que le gros temps avait forcés de se tenir enfermés dans leurs cabines, reparaissaient sur le pont ; les dames elles-mêmes jetaient sur les vagues un regard plus rassuré. Une jolie brise de sud-est nous poussait gaiement vers le tropique, et notre navire, toutes voiles au vent, faisait jaillir des tourbillons d’écume sous sa proue cuivrée. Sur les vergues et le long des haubans, les matelots joyeux travaillaient à réparer les avaries causées par les orages du Cap : le temps passait vite pour eux ; mais nous, dont les journées s’écoulaient à regarder voler les nuages sur l’azur du ciel, nous trouvions les jours un peu longs. Quand venait le soir surtout et que la brise semblait prête à s’assoupir, la crainte de tomber dans un calme plat nous rendait plus impatiens. L’ennui, ce fléau des longues traversées, menaçait de se déclarer à bord. Il était déjà question de jouer des charades, remède héroïque, mais trop souvent inefficace : en attendant, de jeunes créoles s’exerçaient, sous la direction des dames, à faire du filet et de la tapisserie. Une demi-douzaine d’enfans, que leurs parens conduisaient en Europe, se livraient autour de nous à de bruyans ébats ; ils couraient comme des fous sur le pont au milieu de l’équipage, jouaient à cache-cache derrière les caronades, et transformaient en escarpolettes toutes les cordes et qui leur tombaient sous la main. Que leur importait la mer ? Trop petits pour la voir par-dessus le bord, ils