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REVUE MUSICALE




L’un des plus illustres représentans de l’ancienne école française vient de s’éteindre dans l’oubli. L’auteur de la Vestale et de Fernand Cortes, est mort le mois passé à Jesi, petite ville des États-Romains où il était né-en-1778. Peu de musiciens, même parmi les heureux et les favorisés, ont rencontré une fois dans leur vie le succès à l’égal de M. Spontini, et, si l’aurore et le déclin de cette carrière se couvrent d’ombre, on peut dire que son midi fut ce qu’un artiste peut rêver de plus éblouissant et des plus glorieux. Ce succès de la Vestale, rapide, universel, immense, qui d’un nom ignoré la veille fit en quelques instans la plus éclatante illustration musicale de la période napoléonienne, qui dira ce qu’il devait préparer d’amertume et de mélancoliques retours pour le reste de l’existence de M. Spontini ! Et ce triomphe sans exemple peut-être dans les fastes de l’opéra, ce triomphe que le silence avait précédé, que l’abandon allait suivre, combien se fussent alors moins pressés de l’envier, s’ils avaient pu savoir à quel prix l’auteur d’un si magnifique chef-d’œuvre l’achetait ! Le succès, pour qu’il féconde la vie d’un homme de génie, pour qu’il l’encourage et le sollicite à la création, le succès doit se reproduire. Tout succès qui ne se renouvelle pas dessèche le cœur. Que de grands artistes auxquels la nature donna d’enfanter un chef-d’œuvre à une heure prédestinée, et dont les jours s’écoulent dans le regret de cette date fatale qui pour eux contient tout ! Attachés au millésime de l’année qui vit se lever le soleil de leur gloire, ils y restent cloués comme autant de Prométhéen, et c’est là que le vautour leur vient ronger le flanc. Savoir ne réussir qu’une fois, quelle force d’ame une pareille conduite indiquerait chez un homme ! quelle justesse esprit et quelle supériorité de caractère ! Se figure-t-on l’auteur de la Vestale assez maître de lui pour sentir qu’après avoir dépensé toute la somme de génie qu’il tenait de Dieu, ce qui lui restait de mieux à faire, c’était de rentrer simplement dans la loi commune, et de ne se point croire obligé, pour avoir rencontré d’aventure