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aux honneurs et à la gloire dont il m’a environné ; mais le devoir le plus sacré pour moi est d’assurer à ses enfans les avantages qu’il a acquis par cette révolution qui lui a tant coûté, surtout par le sacrifice de ce million de braves morts pour la défense de ses droits. Je désire que nous puissions lui dire le 14 juillet de cette année : Il y a quinze ans, par un mouvement spontané, vous courûtes aux armes ; vous conquîtes la liberté, l’égalité et la gloire. Aujourd’hui, ces premiers biens des nations, assurés sans retour, sont à l’abri de toutes les tempêtes ; ils sont conservés à vous et à vos enfans. Des institutions conçues et commencées au sein des orages de la guerre intérieure et extérieure, viennent se terminer par l’adoption de tout ce que l’expérience des siècles et des peuples a démontré propre à garantir les droits que la nation a jugés nécessaires à sa dignité, à sa liberté et à son bonheur. »

Ainsi nulle équivoque n’est possible. Ce que la France reconnaissante offrait à l’auteur du concordat, de la paix d’Amiens et de la paix de Lunéville, c’était ce pouvoir pondéré, salué par ses plus grands hommes comme la conquête de l’avenir. Ce qu’on attendait de lui, c’était le repos dans la gloire, la prospérité publique au sein de la sécurité de tous, enfin l’établissement d’une monarchie représentative, rendue plus facile à cette époque qu’à toute autre par le prestige du monarque et l’affaissement temporaire des partis. Il est bon que ce programme si politique et si honnête demeure pour la justification de la France et la condamnation du grand homme qui l’a si audacieusement méconnu. On sait quel fut le plan au service duquel Napoléon, porté au faîte de toutes les grandeurs humaines, mit la fortune de sa patrie et la vie d’un million de soldats. L’homme qui avait solennellement proclamé la paix comme le premier besoin des nations modernes, et qui pouvait alors en dicter les conditions, fonda l’antagonisme de la France contre l’Europe, et fit de la guerre le ressort permanent d’un gouvernement tout militaire : celui qui, en prenant la couronne, rappelait le souvenir du 14 juillet et s’inclinait devant la souveraineté de la nation, anéantit toutes les institutions qu’il avait jurées, mit en coupe réglée et la population et la fortune publique, dépassant Louis XIV dans l’inflexibilité de ses exigences et de son orgueil. Le sous-lieutenant auquel son pays avait confié la tâche de relever pour s’y asseoir le trône renversé au 10 août, trouvant ce rôle indigne de lui, se prit tout à coup à rêver de Charlemagne, et, oubliant la France, qui avait eu jusqu’alors toutes ses pensées, il entreprit de reconstituer au profit de sa race une sorte de nouvel empire d’Occident assis sur l’oppression de tous les peuples et la vassalité de tous les rois. Je n’entreprendrai point d’indiquer la tumultueuse succession de pensées par suite desquelles, combinant dans une gigantesque Babel les souvenirs confus de la domination romaine et ceux de