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à l’état, et on a imposé à l’église plus d’un évêque qui n’aurait jamais dû siéger sur ces bancs. »

Lord Stanley, à son tour, vint apporter à la cause de l’église le secours de sa puissante parole ; il montra que l’église d’Angleterre était placée dans une condition inférieure à celle de tous les corps religieux du globe, puisqu’elle n’avait point le pouvoir de décider, par l’organe de ses chefs spirituels reconnus, quelles étaient ses doctrines ; que les questions les plus fondamentales étaient jugées par des hommes qui n’étaient pas même de la communion de l’église, et qui étaient choisis par les ministres du moment, et que le refus de la chambre des lords pouvait rejeter en dehors de l’église ses membres les plus éminens et les plus sincères. Toutefois le discours qui eut le plus grand éclat, et produisit dans la chambre et dans le pays l’impression la plus profonde, fut celui de l’évêque d’Oxford. Le docteur Wilberforce est le fils du célèbre promoteur de l’émancipation des esclaves ; il est aujourd’hui l’organe le plus éloquent de l’église d’Angleterre, et il le fut surtout en cette occasion.

« Je suis, dit-il, obligé de rappeler ici quelques grands principes qui ne sont peut-être point faits pour être discutés dans cette enceinte, mais qui doivent y être posés franchement et résolûment. Quel est l’objet de cette église sur laquelle vous êtes appelés à juger ? C’est de maintenir la tradition de la vérité qui doit nous sauver. Il faut donc qu’elle ait en tous temps le pouvoir de déclarer quelle est cette vérité… Il y a une vérité qui a été révélée, qu’on ne peut ni augmenter ni diminuer jusqu’à la fin des temps ; et, pour préserver ce dépôt, une autorité plus qu’humaine a constitué un certain corps, composé du clergé et des laïques de l’église, qui a reçu une révélation écrite, avec le pouvoir de déterminer certains articles de foi : le pouvoir, non pas d’établir de nouvelles doctrines, mais de défendre les anciennes quand elles sont attaquées… L’église a la mission, non pas de développer ou d’agrandir la vérité, mais de la déclarer et de la définir, et dans les anciens temps la part des laïques était de ratifier ces déclarations. J’ai entendu avec la peine la plus profonde ce qu’a dit un de mes révérends confrères. Il a paru jeter aux vents la formidable responsabilité qui lui a été conférée le jour où il a été choisi comme un des gouverneurs de l’église et un des dépositaires de sa doctrine… Il n’y a déjà pas de nos jours une bien grande affection pour les dogmes ; si vous enlevez à l’église sa fonction de déclarer la vérité, croyez bien que ce sera le coup le plus funeste que vous puissiez porter à la croyance dans aucune vérité déterminée… En rejetant la mesure qui vous est proposée, vous aliénerez de l’église d’Angleterre des hommes dont la perte laissera, chez elle, un vide immense. Souvenez-vous de ce qui est arrivé en Écosse ; les hommes les plus élevés par l’intelligence se sont vus forcés de quitter l’église, parce que leur conscience n’y était plus libre. Prenez garde de provoquer en Angleterre une séparation semblable. Si, par votre vote, vous poussez à l’établissement d’une église libre, croyez-vous que vous aurez affermi les autres institutions du pays ? .. Je vous en conjure, ne